Je ne savais pas trop dans quelle catégorie ouvrir un sujet sur le yiddish, alors j’ai opté pour « autres pays germanophones », car le yiddish n’est pas spécialement lié à l’Allemagne en tant qu’Etat et qu’il est/était présent sur bien d’autres territoires.
Le yiddish est une langue dérivée de l’allemand (un dialecte ?) et mêlant des éléments slaves et hébreux. Il s’écrit d’ailleurs avec l’alphabet hébreux. C’était la langue des juifs (particulièrement en Europe centrale) pendant des siècles avant que l’hébreu moderne ne la remplace. On estime à +11 millions le nombre de locuteurs en Europe à l’aube de la 2e guerre mondiale. Les pages wiki en différentes langues ne s’accordent pas sur le nombre de locuteurs actuel. Les estimations vont de 0.8 à 3 millions à travers le monde. Les communautés les plus importantes se trouvent aux Etats-Unis et en Israël.
Michelmau nous avait déjà proposé de la musique en langue yiddish ici ou ici.
Voici A Serious Man_opening scene - YouTube la première scène du film A serious man (2009) des frères Coen, tournée en yiddish, sous-titrée en anglais. Les germanophones parmi nous comprendront aisément certains mots, voir certaines phrases entières.
Qui souhaite apprendre le yiddish peut se tourner par exemple vers la Sorbonne dont le département d’études germaniques propose des options de langue et littérature yiddish.
C’est très compliqué, les variantes de jiddisch, car on se heurte à trois difficultés:
la morcellement géographique donc dialectal originel,
la perte du lien avec l’aire culturelle traditionnelle
le temps qui passe et transforme encore le yiddisch des enfants de réfugiers d’après guerre.
L’idéologie fait le reste, en témoigne la transcription délirante de la version en lettres latines. Une énergie démentielle a été mise en oeuvre même avant la guerre pour éloigner le plus possible le jiddisch de l’allemand. Le refus catégorique de considérer le phénomène de créolisation comme le moteur de l’évolution, de la cohérence et de la vitalité du jiddisch contribue aussi grandement à l’opacité des descriptions. Bref, c’est intéressant mais apprendre l’alsacien avec un glossaire religieux hébreux sous le coude suffit à pénétrer le jiddisch relativement loin (je plaisante à moitié). Et du coup, vous serez aussi des pros de l’Alsace. Gagnant-gagnant.
Alors là, Mislep, tu touches à une de mes passions, la langue yiddish.Le yiddish est une langue trop méconnue des germanistes, sans doute rebutés par l’utilisation de l’écriture hébraïque…Il n’est pourtant pas plus difficile de déchiffrer un mot écrit en yiddish qu’un mot écrit en russe. En une heure ou deux, on a vite fait de maitriser l’alphabet.Le yiddish a été à la fois la langue utilisée pour commenter le talmud chez les juifs religieux d’Europe de l’est, mais il a été également la langue des révolutionnaires athées.
La bibliothèque Medem à Paris possède une infinité d’ouvrages dans cette langue et elle est également un centre culturel. Il faut savoir qu’en Europe, la France est le pays où l’on trouve , à l’heure actuelle, le plus de locuteurs de cette langue, suivie par la Grande Bretagne. Ici, le site de la maison de la culture yiddish: (Yiddishweb) http://www.yiddishweb.com/
Enfin, dans le domaine musical, l’héritage de la chanson yiddish est immense et d’une richesse sans pareil.
Petite remarque qu’il m’est arrivé de faire parfois à des élèves:
Ich will nicht in die Schule gehen .
Ich will nicht gehen in die Schule>>>> quand un élève me sortait ce genre de construction, il m’arrivait de lui dire, l’air étonné; « Tiens, tu parles yiddish ? »…Ce qui me donnait l’occasion d’expliquer ce qu’était cette langue.
Dernière petite anecdote authentique; un jeune allemand qui avait décidé d’apprendre le yiddish se rend en Israël; il rencontre un rabbin issu de cette communauté et lui fait part de son désir d’apprendre cette langue…Etonnement du rabbin qui lui répond « Yiddish is toch taitsch ! »=« Le yiddish, c’est de l’allemand! »
Edit; en Allemagne, Karsten Troyke perpétue avec bonheur la tradition de la chanson en yiddish.
Un petit exemple qui nous montre que les germanophones peuvent comprendre une bonne partie d’un discours yiddish, mais butent parfois sur le mot slave, hébraïque ou araméen .
Ex dans le premier discours dans lequelle l’oratrice ne parle pas de Familie mais de mischpoche(qui vient de l’hébreu mischpacha.= la famille.) Plus loin, il n’est pas question de mathematische Kenntnisse, mais de mathematische limudim= connaissances mathématiques…etc …etc.
J’ai déjà entendu parler de « Limudim » en alsacien.
Il paraitrait que l’alsacien aurait lui-même des emprunts à des mots hébraïques, justement par osmose (par le yiddish).
Quelqu’un en voit d’autres ?
Si michelmau est un grand connaisseur, le Yiddish est une découverte pour moi !
je savais que cette langue existait, mais je ne connaissais pas le rapprochement avec l’allemand, et je pensais
que c’était actuellement une langue réservée à la religion juive, je veux dire une langue apprise pour les prières juives
mais pas une langue qui sert à communiquer (un peu comme le latin maintenant)…
je comprends que cette langue mêle quelques mots d’hébreux, mais pourquoi des mots allemands et encore plus
des mots slaves ??
@michelmau: effectivement ton lien est relativement compréhensible, pour quelqu’un qui parle un peu allemand…
@mislep : ta vidéo des frères cohen, n’est malheureusement pas disponible en France…
parce qu’à la base c’est un dialecte allemand, parlée par les populations juives de toute l’Europe de l’Est jusqu’à la Rhénanie.
certaines couches de la population ont continué à parler ce dialecte alors que d’autres se sont mises au hochdeutsch.
le yiddish à cause de ses origines germaniques est diversement considéré par les diverses communautés juives.
pour certains à cause de l’histoire, il faut s’en débarasser au profit de l’hébreu.
mais chose « rigolote » (ou au contraire assez symptomatique), en classe bilingue franco-allemand, on a un petit garçon auquel le papa parle hébreu et il apprend l’allemand à l’école. deux parts d’une même culture.
L’Alsace avait son propre dialecte, le judéo-alsacien. J’ai discuté il y a peu de temps, à l’occasion des journées du patrimoine juif, avec un membre âgé de la communauté juive d’Alsace qui m’a confirmé l’existence de ce dialecte qu’il ne parlait pas lui-même, mais dont son père connaissait quelques mots. Il me semble qu’il existe à l’Université de Strasbourg une personne spécialisée dans l’étude de ce « yedisch-daïtsch ».
Quelques liens sur ce sujet; Structure du parler judéo-alsacien: http://judaisme.sdv.fr/dialecte/articles/plevy.htm Le dialecte judéo-alsacien:
Sur l’actualité de ce parler, je relève cette phrase dans le premier lien:
M’étant promenée dans le coin de la synagogue en ce samedi (shabbat) je ne suis pas trop inquiète sur la disparition des juifs en Alsace, loin de là !!!
Concernant la baisse de la population, je pense qu’il faut prendre en compte l’énorme émigration vers les pays « nouveaux » comme les Etats-Unis ou l’Algérie (colonisée à partir de 1830, mais où l’émigration a réelement fait un bon à partir de 1860).
En plus des « optants » (pour l’instant je n’ai aucune statistique sur la part des juifs dans la masse des optants, mais c’est une question intéressante).
Si tu avais lu la citation attentivement, tu aurais pu constater qu’il s’agissait de juifs parlant le judéo-alsacien (appartenant à une très vieille communauté ashkhénaze implantée depuis des siècles en Alsace ) et non des juifs « en général » et « de Strasbourg » en particulier.
Je vous propose de jeter un oeil au film « le dibouk ». Il a été réalisé en 1937, en Pologne avec la crème des artistes de l’époque.Un dybouk, dans la mythologie juive est un démon qui habite le corps d’un humain. La pièce, à partir de laquelle le film a été réalisée est de Sholom Ansky, un éthnographe russe, qui ne l’a d’ailleurs jamais vue sur une scène de sa vie.L’ambiance du film, qui avait été retrouvé et restauré il y a quelques années est envoutante. L’histoire se passe dans le milieu des hassidim de Pologne. Le film est sous-titré en français.
Je l’avais enregistré il y a quelques années à la télé. Une scène du film :
pour en revenir à ton post très sérieux, je pense que l’explication, en dehors de la perte généralisée du dialecte, vient aussi à la modification de la répartition des communautés juives entre monde rural et monde urbain. l’alsacien tout court a du souci à se faire en milieu urbain ENCORE PLUS qu’en milieu rural.
je pense qu’il y a aussi un certain à-priori de certaines communautés juives (pas toutes, mais particulièrement les sérafades) envers ce qui est « ditsch », ce qui rend d’autant plus difficile aux autres (celles qui aimeraient faire perdurer cette tradition) de l’imposer. j’ai rencontré un vrai désarroi de certains judéo-alsaco-dialectophones envers ce phénomène.
On utilise souvent des mots yiddish sans le savoir.
Tout le monde (ou presque) connait le TACHELES à Berlin. « Tacheles reden » (ou tachles, tachlis) est yiddish et signifie parler ouvertement ou clairement.
D’autre mots courant d’origine yiddish sont, par exemple Pleite (pleto), Zoff (soph), vermasseln/Schlamassel (masol).
Exemples tirés du lexique
Deutsche Wörter jiddischer Herkunft
Hans Peter Althaus
Verlag C.H. Beck
Le livre explique également les différents dialectes du Yiddish, leurs origines, etc.
personnellement je ne faisais pas la différence entre Hebreu et Yddish et je viens de regarder une émission « histoire du peuple juif » j’ai vu la première partie hier et j’ai voulu regarder la suite aujourd’hui
très intéressant et me voilà avec de nouvelles connaissances
un ami m’a dit dernièrement que l’alsacien venait du Yddish et pour moi c’est faux
La Torah a été beaucoup commenté en Yiddish mais toutes les prières sont dites en hébreux
Il y a des expression allemandes qui sont empruntés au yiddish mais sont en fait des déformations phonétiques assez cocasses. Par exemple, l’expression Hals und Beinbruch qui est un peu l’équivalent de notre « merde » pour souhaiter bonne chance vient en fait du yiddish hatslokhe u brokhe qui veut dire « succès et bénédiction » ce qui n’a vraiment rien à voir
Fait amusant, l’incompréhension ne s’est pas arrêté en si bon chemin puisque les anglophones ont emprunté Hals und Beinbruch et en ont fait break a leg.
Histoire de sourire; quelquefois, un mot hébreu vient se positionner dans une séquence germanique Je pense en particulier à l’expression :« leck mich am toches » qui est le pendant du: « leck mich am A… = je t’emm…, va te faire f… » allemand. Toches est un mot hébreu désignant la partie concernée de l’anatomie.(Prononcer le ch du mot comme un ach-Laut.)
PS :« au secours ! » se dit « gevalt ! » (on pense bien sûr à l’allemand « Gewalt= violence. »)