La jeunesse, sur laquelle le traité de l’Élysée misait pour porter la réconciliation, a plus que jamais l’avenir des relations franco-allemandes entre ses mains.
Comment réconcilier deux peuples qui se sont livré pendant des décennies des guerres sanglantes ? Deux peuples séparés par le silence des tombeaux ? Deux peuples qui se considèrent réciproquement comme « l’ennemi héréditaire » ? Dès les années 1950, la jeunesse joua un rôle important dans les esprits des pionniers du rapprochement franco-allemand. En 1963, elle fut inscrite dans le traité de l’Élysée comme l’une des priorités de la réconciliation franco-allemande.
De Gaulle à Ludwigsbourg
C’est, pourrait-on dire, par la jeunesse que tout commença. En septembre 1962, le général de Gaulle effectua, en effet, un voyage outre-Rhin au cours duquel le héros de la Résistance française salua, devant une foule émue et enthousiaste, « le grand peuple allemand ». Il s’adressa, en particulier, à la jeunesse allemande. Son discours, prononcé en allemand devant plusieurs miliers de jeunes allemands à Ludwigsbourg, est resté dans toutes les mémoires :
« Je vous félicite d’être de jeunes Allemands, c’est-à-dire les enfants d’un grand peuple. Oui ! d’un grand peuple ! qui parfois, au cours de son Histoire, a commis de grandes fautes et causé de grands malheurs condamnables et condamnés. Mais qui, d’autre part, répandit de par le monde des vagues fécondes de pensée, de science, d’art, de philosophie, enrichit l’univers des produits innombrables de son invention, de sa technique et de son travail, déploya dans les œuvres de la paix et dans les épreuves de la guerre des trésors de courage, de discipline et d’organisation », déclara-t-il.
Quelques mois plus tard, le général de Gaulle scellait la réconciliation franco-allemande en signant le traité de l’Élysée avec le chancelier Adenauer. La déclaration accolée au traité appelait la jeunesse à jouer « un rôle déterminant dans la consolidation de l’amitié franco-allemande ». L’ambition était simple : il revenait aux jeunes générations, vierges de l’expérience des trois guerres fratricides, d’inaugurer des relations nouvelles entre la France et l’Allemagne. Il fallait donc que les jeunes se rencontrent, se parlent, s’apprécient et s’investissent dans des activités communes.
L’OFAJ
Cette stratégie aboutit, le 5 juillet 1963, à la création de l’Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ). Enfant du traité de l’Élysée, l’OFAJ est sans doute l’un des ses plus fécondes réussites. En cinquante ans, il a, en effet, permis à huit millions de jeunes Allemands et Français de faire connaissance, d’échanger et de se comprendre. Pour beaucoup ce fut une expérience marquante. Ainsi, lors d’un débat sur les relations franco-allemandes au Bundestag en janvier 2013, de nombreux députés allemands évoquèrent leurs souvenirs personnels de ces rencontres. Parfois, ce fut même le tournant d’une vie.
Se rencontrer, toutefois, ne suffit pas toujours. Ainsi, le projet initial de l’OFAJ se précisa-t-il au fil du temps grâce à une réflexion pédagogique approfondie. Actif, inventif, engagé, l’OFAJ développa peu à peu des stratégies et des outils innovants pour favoriser les rencontres franco-allemandes d’enfants, d’adolescents, d’élèves, d’étudiants ou encore de jeunes professionnels. Plus que jamais, à l’heure du 50e anniversaire du traité, c’est une institution qui « compte ».
Les jeunes, avenir de la relation franco-allemande
De fait, à l’heure où la génération des pionniers de la réconciliation disparaît progressivement, les jeunes sont l’avenir de la relation franco-allemande. « Ils ont plus que jamais son avenir entre leurs mains », souligne l’ambassadeur d’Allemagne en France, Susanne Wasum-Rainer. En effet, ni la paix, ni l’amitié ne sont des acquis définitifs. Il appartient à chaque génération de relancer la curiosité pour l’autre, de stimuler le désir de partage, de recréer de l’enthousiasme. Entre la France et l’Allemagne, le véritable danger n’est pas dans la différence. Il est dans l’indifférence.
De plus, en ce début de XXIe siècle, les jeunes Français et les jeunes Allemands partagent, de plus, un défi commun : construire l’Europe. La mondialisation, les nouvelles technologies, les crises économique, financière, énergétique et climatique, les nouvelles menaces en matière de sécurité : tout incite à trouver les voies d’une intégration toujours plus poussée pour que l’Europe puisse continuer de défendre son modèle et ses valeurs à travers le monde.
La réconciliation franco-allemande est un précieux héritage. Elle a plus que jamais besoin des jeunes pour être défendue et mise au service de l’Europe.