Je tombe par hasard sur un très beau texte d’Albert Schweizer qui parle de la langue allemande,du dialecte alsacien et de la langue française.
Ce grand homme,médecin ,théologien protestant,organiste de talent,pacifiste,« médecin du monde » avant la lettre me parait trop injustement ignoré de nos jours:sur Wiki,je n’ai trouvé qu’un texte en anglais! .Alors voici un lien sur un site multilingue,celui de l’Association Internationale Albert Schweizer: schweitzer.org/french/asfind.htm
Il est à remarquer que sa famille compte de nombreuses personnalités:Louis Schweizer,le chef d’orchestre Charles Munch et…Jean-Paul Sartre.
Voici le texte en question:
« Wohl spreche ich von Kindheit auf Französisch gleicherweise wie Deutsch.Französisch aber empfinde ich nicht als Muttersprache,obwohl ich mich von jeher für meine an meine Eltern gerichteten Briefe ausschliesslich des Französischen bediente,weil dies so Brauch in der Familie war.Deutsch ist mir Muttersprache,weil der elsässische Dialekt,in dem ich sprachlich wurzle,deutsch ist.
Den Unterschied zwischen den beiden Sprachen empfinde ich in der Art ,als ob ich mich in der französischen auf den wohlgepflegten Wegen eines schönen Parkes erginge,in der deutschen aber mich in einem herrlichen Wald herumtriebe.Aus den Dialekten,mit denen sie Fühlung behalten hat,fliesst der deutschen Schriftsprache ständig neues Leben zu.Die französische hat diese Bodenständigkeit verloren.Sie wurzelt in ihrer Literatur.Dadurch ist sie im günstigsten wie im ungünstigsten Sinne des Wortes etwas Fertiges geworden,während die deutsche in demselben Sinne etwas Unfertiges bleibt.Die Vollkommenheit des Französischen besteht darin,einen Gedanken auf die klarste und kürzeste Weise ausdrücken zu können,die des Deutschen darin,ihn in seiner Vielgestaltigkeit hinzustellen. »
Albert Schweizer
Aus meinem Leben und Denken
PS.Je n’ai pas le temps de traduire tout ça en français maintenant,mais ce sera fait,dès que possible.Promis.
Quel grand Homme cet Albert Schweitzer en effet!
Et malheureusement méconnu et trop souvent oublié…volontairement? je me pose la question…il a en effet pour « désavantage » d’être né dans une Alsace allemande (annexion 1870-1918), et de s’exprimer et écrire dans la langue de Molière comme dans la langue de Goethe…bref, il est apparu pour la France comme trop « germanophile » et pour l’Allemagne comme trop « francophile ».
Ainsi les Allemands ne peuvent le considérer comme un « grand » des « leurs » du fait que l’Alsace soit aujourd’hui Française, tout comme les Français éprouvent un malaise du fait qu’il ait grandi et se soit épanoui dans un monde germanique, en ayant choisi la langue allemande pour une majorité de ses ouvrages et pensées…
On peut regretter que si peu d’ouvrages de son oeuvre soient traduits en français…
« Certes je m’exprime depuis mon enfance de même façon en Allemand et en Français,mais je ne ressens pas le Français comme ma langue maternelle,bien que je l’ais utilisé depuis toujours dans ma correspondance avec mes parents,parceque c’était l’usage dans ma famille.Pour moi,c’est l’Allemand qui est ma langue maternelle parceque le dialecte alsacien dans lequel j’ai mes racines linguistiques,est allemand.La différence entre les deux langues se manifeste pour moi par l’impression que j’éprouve avec le Français d’avancer dans un beau parc aux chemins bien entretenus et avec l’Allemand,d’errer à travers une forêt magnifique.Les dialectes avec lesquels l’Allemand a gardé contact apportent constamment à la langue écrite une vie nouvelle.Le Français a perdu ce côté enracinement au terroir.Ses racines sont dans sa littérature.Le Français est devenu par là même,dans le meilleur et dans le pire sens du mot quelque chose d’achevé,alors que l’Allemand demeure dans le même sens quelque chose d’inachevé.
La perfection du Français réside dans la faculté d’exprimer une idée de la façon sa plus claire et la plus brève,celle de l’Allemand ,d’en restituer toute la complexité. »
PS:D’accord avec toi,Tenzin.Schweizer n’éprouvait aucune difficulté à vivre les deux cultures au quotidien.Ce sont bien les tenants de l’ordre établi côté allemand et côté français qui le sommaient de choisir son camp.
Cet homme était pour moi un extraterrestre !! Tant en lisant le texte que Michelmau a eu la gentillesse de traduire, qu’au niveau de ses connaissances générales et médicales.
A signaler que son nom, est toujours très connu dans le monde médical, qui ne l’a pas oublié c’est déjà bien…
C’est vrai que Albert Schweitzer n’est pas souvent cité parmi les grands hommes de notre temps. En France, je pense que cela avait aussi un rapport avec le fait qu’il était théologien à une époque où la bataille pour la laïcité était encore loin d’être gagnée…
Néanmoins, pour te consoler, sache que j’ai découvert le destin d’Albert Schweitzer, il y a une dizaine d’années dans… un manuel scolaire de lycée (« Grenzenlos », me semble-t-il, de mémoire), au chapitre « Abenteuer und Abenteurer ». Bonne nouvelle, non ?
je suis très émue par le passage que tu cites sur sa perception des langues française et allemande.
Fertigkeit / Unfertigkeit ; Literatursprache / Sprache des Lebens. Je ne sais pas si son analyse est juste (il y a sûrement tout une brillante démonstration derrière que je ne connais pas) mais elle me déroute car elle me prend exactement à contrepied de ce que je ressens confusément. Ce qui me touche dans ses propos, c’est ce ressenti et surtout cette capacité à mettre des mots sur ce qui, finalement, est vraiment de l’ordre du très intime : le rapport à la langue maternelle
merci encore michelmau, pour un de ces petits moments, dont tu as le secret