Le terrorisme d’extrême-droite, une « honte » pour l’Allemagne
Un groupuscule terroriste néonazi a-t-il pu agir pendant une décennie sans être découvert ? Depuis quelques jours, l’Allemagne se pose la question avec stupeur. Deux hommes et une femme, domiciliés à Zwickau, en Thuringe, sont soupçonnés d’avoir commis une série de meurtres xénophobes dans toute l’Allemagne depuis 2000, et d’appartenir à une organisation d’extrême-droite jusqu’à présent inconnue, le « Nationalsozialistischer Untergrund » (NSU). Le gouvernement fédéral réclame toute la lumière.
Dès lundi, la chancelière Angela Merkel a qualifié cette affaire de « honte » pour l’Allemagne. « [… ] Nous devons supposer qu’il existe de terribles actes de violence émanant des milieux d’extrême-droite », a-t-elle déclaré lors du congrès de son parti, la CDU, à Leipzig. « Un terrorisme émanant de cette mouvance constitue une honte. C’est honteux pour l’Allemagne et nous devons tout faire pour régler cette affaire ».
De découverte en découverte
Tout a commencé par la découverte des corps de deux hommes dans un camping-car, à Eisenach, dans le nord de l’Allemagne, dans le cadre d’une enquête sur le braquage d’une banque. Uwe Mundlos, 38 ans, et Uwe Böhnhardt, 34 ans, se seraient suicidés. Mais, dans leur véhicule, les policiers font une découverte troublante : un pistolet, qui se révèle bientôt être l’arme de service d’une policière de 22 ans abattue d’une balle dans la tête en avril 2007. Un meutre non élucidé.
À Zwickau, une femme de 36 ans qui vivait avec les deux hommes, Beate Zschäpe, également recherchée, se livre finalement aux enquêteurs après avoir tenté de faire exploser l’appartement. Dans les décombres, ces derniers retrouvent un autre pistolet. Stupeur : l’analyse montre qu’il a été utilisé dans une série de neuf meurtres commis entre 2000 et 2006 contre des étrangers turcs et grecs dans toute l’Allemagne. Dans les pièces saisies, les policiers voient également apparaître le nom du réseau d’extrême-droite NSU.
Pour les enquêteurs, la question est maintenant de savoir si ce réseau compte d’autres personnes. En outre, selon la presse, le nom de Beate Zschäpe serait déjà apparu en 1998, lors de la découverte d’un atelier de fabrication de bombes dans un garage que la jeune femme aurait loué. De quoi nourrir un début de polémique sur le travail des services de renseignements, qui aurait laissé disparaître des personnes dangereuses.
Toute la lumière sera faite
Une chose est sûre : désormais, les pouvoirs publics entendent tout mettre en œuvre pour éclaircir cette affaire. Le ministre régional de Thuringe, Jörg Geibert, a rapidement annoncé la création d’une commission d’enquête indépendante. Elle a été présentée mardi. L’ancien président de la Cour fédérale de justice, Gerhard Schäfer, a été placé à sa tête. Elle aura pour mission de réévaluer toutes les informations recueillies sur le trio depuis 1998.
Le ministre fédéral de l’Intérieur, Hans-Peter Friedrich, appelle, par ailleurs, de ses vœux une meilleure collaboration entre la police et les services de protection de la Constitution sur le terrain, au niveau des Länder. « Il est, en effet, inquiétant qu’aucun lien n’ait été établi entre la série de meurtres commis dans toute l’Allemagne et la scène d’extrémistes de droite en Thuringe », a-t-il déclaré dans une interview accordée au quotidien Bild Zeitung. « Les ministres de l’Intérieur des Länder réclament désormais une meilleure coopération entre la police et les services de protection de la Constitution. Je les soutiens explicitement », a-t-il ajouté.
Selon M. Friedrich, cette affaire révèle « sans aucun doute une nouvelle dimension de la violence d’extrême-droite ». Une enquête pour constitution d’une organisation terroriste a donc été confiée au ministère public fédéral. Les investigations devraient révéler rapidement si un réseau plus important se cache derrière les trois personnes identifiées. Mardi, un quatrième homme a été arrêté.