Auriez-vous crié Heil Hitler ?

Bonjour Andergassen, Hitler a effectivement été un « déclassé social » pendant une période de sa vie (1909 - 1914) et il serait probablement retourné à sa marginalité précaire si l’armée allemande ne l’avait recruté en 1919 comme « informateur » auprès des troupes en cours de démobilisation.
Ce qui est intéressant, c’est d’essayer de comprendre comment un personnage aussi peu doué pour la vie civile a pu devenir le maître incontesté d’une des plus grandes puissances mondiales. Je consacre pas mal de pages à cette question dans mon livre mais pour ceux qui voudraient tout savoir sur le vie du Führer nazi je conseille la lecture de la monumentale biographie de Ian Kershaw (« Hitler ») publiée chez Gallimard.
Je vais m’absenter de ce forum jusqu’au 19 juin pour raisons professionnelles. Bien cordialement à tous. François.

Hitler a été nommé chancelier par le Président Allemand de l’époque, Hindenburg… il me semble que cette nomination est tout à fait légale dans les lois démocratiques en vigueur en Allemagne à ce moment là.
il n’aurait donc pas été élu par le peuple, certes, mais par son représentant (ce qui est pire à mon sens ! )

après, j’avoue que je me marre, quand je lis « déclassé social » concernant Hitler… Même 70 ans après, il vous berne encore ce moustachu ??? s’il avait vraiment été « déclassé social », jamais il ne serait parvenu, même à force de ruse, de parjure, et de dessous de table, à accéder à la fonction suprême de chancelier…
Je rejoins en tout point Andergassen !!! Hitler me semble au contraire, avoir très bien connu son pays pour parvenir à monter les échelons comme il les a monté, et à bluffer pendant un certain temps une bonne partie de l’Europe et de ses dirigeants d’alors…
A vous lire, on aurait presque envie de plaindre Hitler… c’est du n’importe quoi !!!

Que vaut-il mieux:
Se sacrifier dans la lutte pour l’idéal pour que cet idéal ne meure pas ?
Survivre pour que l’idéal reste vivant en et par les survivants ?

Brecht et Musset répondent très bien à ces questions.

Je vais faire en sorte de rencontrer notre nouvel ami d’ici quelques semaines, vraisemblablement à Lyon afin que nous puissions échanger sur son livre.
Si vous êtes intéressé (e) par cette rencontre veuillez me le signaler par MP afin que je puisse vous prévenir (je pense surtout à Sonka). :wink:

Hitler n’est pas devenu chancelier de façon démocratique puisqu’au dernière élection libre le NSDAP n’avait recueillit qu’un tiers des suffrages.
Il a été nommé chancelier par l’ultra réactionnaire Hindenbourg afin justement de détruire la démocratie.

C’est tellement vrai que personne ne prend au sérieux l’avertissement solennel adressé par Lunderdorff à Hindenburg au lendemain du 30 janvier 1933 :

« Vous avez livré notre sainte patrie allemande à l’un des plus grands démagogues de tous les temps. Je prédis solennellement que cet homme exécrable entraînera notre Reich dans l’abîme et plongera notre nation dans une misère inimaginable. Les générations futures vous maudiront dans votre tombe pour ce que vous avez fait. »

tu m’as scotché là…rien à rajouter de plus ! Merci Elie ! :top:

Quel ne fut pas ma surprise de lire hier soir à la page 176un sujet que j’avais moi-même abordé dans ce forum ici *
l’histoire de l’homme qui refusa de faire les salut nazi, une photographie de 1936 et vous écrivez à ce sujet :

Cette photo illustre la difficulté d’interpréter les comportements publics des personnes agissant sous la contrainte.Mettre sa vie en danger en refusant de saluer le dictateur démontre une opposition radicale. Mais un résistant pourrait choisir de saluer plutôt que de se sacrifier pour si peut. Si l’homme aux bras croisés prouve un courage hors du commun, les centaines de bras tendus ne prouvent rien. Pour la presse de Goebbels, la photo démontre que la classe ouvrière soutient le régime à 99,9 %. Qui juge hâtivement peut lui donner raison. Qui réfléchit doit convenir que cette image ne permet pas de connaître les sentiments réels de cette foule.

Puis vous abordé le problème de la propagande nazi. Dans ce domaine la responsabilité de Leni Riefenstaht est écrasante. Et d’ailleurs as t-elle été suffisamment dénazifiée après la guerre ? La question se pose.

En tout cas à défaut de porter une arme le fait de filmer les immenses rassemblements nazi de Nuremberg et l’extase qu’ils provoquaient en dise long sur l’état d’esprit de la population. Mais j’en ai déjà parlé.

Il me semble que l’idée que : faire le salut nazi= forcément pro nazi est un temps soit peu simpliste. On peut concevoir que d’authentiques opposants, voir résistants, aient fait le salut nazi en toute connaissance de cause tout simplement pour ne pas attirer l’attention de la police politique sur eux. Est-ce si inconcevable que cela ? :astonished:

C’est exactement ce que je viens d’écrire.

la peur n’est pas le seul moteur de la montée des nationalismes au début du XXe siècle.
ce serait plutôt celui qui explique celle à laquelle on assiste depuis ce dernier quart de siècle (peur de l’autre, peur de perdre ses maigres avantages,…).

pour moi c’est un besoin de consolidation de jeunes nations (Allemagne, Italie, Yougoslavie,…) composées de bric et de broc, le besoin de se créer une identité fédérative. c’est un nationalisme de rationnalisation (ce jacobinisme que l’on reproche volontiers à la France).
ajouté pour l’Allemagne et l’Autriche au fait de s’être fait ratiboisée, rétrécie, avec un fort besoin de revanche et de besoin de boucs émissaires.
la peur ? un petit ingrédient de la potion !

Bonjour à tous, je reprends le fil de l’échange. Pour revenir brièvement sur la question de savoir comment Hitler est arrivé au pouvoir, nous sommes d’accord qu’il n’a obtenu que 31% des suffrages (et 26.67% des inscrits) aux dernières élections libres de Weimar (nov 32). Il était en recul, c’est pourquoi Hindenburg a fini par accepter de le nommer chancelier. Cependant, Hitler n’aurait rien pu faire sans les pleins pouvoirs. Pour les obtenir, il lui a fallu mettre hors la loi les députés communistes après qu’il eût à nouveau échoué en mars 1933 à obtenir une majorité dans les urnes – alors que les élections étaient déjà en partie sous contrôle nazi. En résumé il n’a donc pas été élu (comme je l’ai encore entendu affirmer il y a quelques jours dans un documentaire sur les rapports entre Hitler et Mussolini) et il n’est pas arrivé au pouvoir démocratiquement, l’épisode de janvier 1933 n’étant qu’une étape de la prise de pouvoir.

Sur les mobiles pour voter nazi, j’y consacre deux chapitres dans mon livre. Ils sont multiples mais il y a là encore une contre-vérité communément admise, c’est que le désir de revanche sur l’humiliation de 1918 aurait été le moteur du succès nazi. C’est faux. La courbe des résultats électoraux du NSDAP (de 2.8% fin 1928 à 31% fin 1932) suit celle du chômage (à peu près 5 millions de plus sur la même période) alors que les évènements ayant trait au « Diktat » et aux séquelles de la guerre – échec du plébiscite contre le plan Youg en 1929 ou fin des réparations annoncée avant les élections de juillet 1932 – n’influencent pas les rapports de force électoraux. La révolte contre l’humiliation subie à Versailles et le désir de revanche ont été à l’origine du mouvement nazi et sont restées une des composantes du discours de Hitler mais elles n’étaient en aucune façon la principale motivation des millions de gens qui ont voté NSDAP à partir de 1930. S’il n’y avait pas eu la crise le parti de Hitler serait resté un parti marginal.  

J’ai vu sur ce forum un débat qui a attiré beaucoup de monde : « comment les Allemands voient la 2ème guerre mondiale ? ». Il faudrait mettre des guillemets chaque fois que l’on parle « des Allemands » car comment répondre à cette question sans prendre en compte les classes d’âge, l’origine géographique (Est-Ouest, etc.), les opinions politiques, philosophiques, religieuses, le niveau d’instruction, etc., ce qui nécessiterait un livre entier. D’ailleurs cette question a été abondamment étudiée par les sociologues allemands à partir des années 50 et jusqu’à aujourd’hui mais ces études sont vite périmées car les réponses évoluent avec le temps.
Si je peux risquer quelques prudentes observations à la lumière des recherches que j’ai faites et des courriers que je reçois des lecteurs allemands je dirais :
  • L’expérience nazie fait que tous les Allemands avec qui j’ai pu aborder la question se perçoivent comme un peuple « à part » du fait de son histoire et de la tâche indélébile du génocide – même si c’est à des degrés divers selon les âges etc. A tord ou à raison, là n’est pas la question.
  • Une interrogation reste latente au fond du cœur de ceux avec qui j’ai pu en parler : l’expérience nazie et le génocide étaient-ils le résultat d’une spécificité historico-culturelle (voire génétique) des Allemands (cf : le fameux « caractère allemand » dont parle Goldhagen dans « Les bourreaux volontaires de Hitler ») ? Le succès du livre – pourtant très tendancieux – de Goldhagen en Allemagne montre que cette question est toujours brûlante et je reçois beaucoup de courriers de lecteurs allemands qui me remercient de montrer en quoi la thèse de la responsabilité collective des Allemands et celle de la prédisposition des Allemands - en tant que peuple - au nazisme et au génocide ne sont pas recevables.

François.

Tout à fait d’accord sur ce point.Ce pluriel généralisateur n’a aucun sens.Je me suis souvent empointé avec des gens qui déclaraient :« les Allemands sont…+ adjectif qualificatif (au choix; travailleurs, disciplinés, sérieux…etc, etc, etc.) ou encore : » les Allemands (ne) veulent (pas) ci ou ça." Valable pour toutes les nationalités quelles qu’elles soient.

Pour info, c’est exactement ce qu’on m’a enseigné en fac il y a vingt ans.

Ce qui me fascine, c’est que pour être aux élections de 32, il a d’abord fallu qu’Hitler soit allemand. Or, sa naturalisation en 1930 reste un mystère pour moi. Qui a fait entré le loup dans la bergerie ? J’ai entendu la thèse selon laquelle il aurait été éligible de droit pour la nationalité allemand du fait de son engagement volontaire dans l’armée allemande pendant la première guerre mondiale. Mais c’était juste une idée parmi d’autres moins crédibles.

Un documentaire interessant nommé « Apocalypse hitler » montrant l’ascension d’hitler ,son accession au pouvoir puis la fin de la démocratie en Allemagne m’a frappé par l’indifference du peuple allemand à l’égard notament du sort des juifs , pendant que les lois raciales furent voté, le documentaire montrent les allemands se lézardant sur les plages ou flanant dans les cafés , ce qui me frappe le plus c’est finalement la passivité du peuple allemand à cette époque , je pense que 1/3 des allemands étaient vraiment nazis , et les autres 2/3 des suiveurs .

Je relève:

Pour « génétique », je pense qu’on est en plein délire. Par contre, en ce qui concerne l’aspect socio-culturel, il suffit de lire le pamphlet violemment antisémite de Martin Luther intitulé :" Von den Juden und ihren Lügen =des juifs et de leurs mensonges", dans lequel l’auteur va jusqu’à inciter ses contemporains à bruler les synagogues ,pour trouver quelques raisons socio-culturelles. Certains dirigeants nazis jugés au procès de Nuremberg ne s’y sont d’ailleurs pas trompé en invoquant ce lourd héritage culturel pour leur défense.

C’est un héritage commun à toute l’Europe. Les Juifs ont été expressément interdits de séjour sur le sol norvégien dans la constitution de 1814, celle qui est fêtée tous les ans pour la fête nationale. Tous les pays ont ce genre d’héritage, l’Allemagne comme les autres. Goldhagen a été ridiculisé par les spécialistes de ces questions. Bref, il a bien vendu son bouquin, il est content, on peut passer à autre chose.

je rappelle que François Roux présente son livre en direct à la radio jusqu’à 15h30, voir ici

Je voudrais revenir sur la réflexion de Mamath concernant l’indifférence des Allemands aux persécutions antisémites. Quand j’ai eu fini mon bouquin, malgré toutes les analyses historiques, économiques, politiques, psycho-sociologiques que j’avais produites pour expliquer les rapports entre la société allemande - dans sa diversité - et le troisième Reich, une question me restait en travers de la gorge : comment est-il possible qu’il y ait eu si peu de réactions aux persécutions antisémites ?
Je vous propose quelques explications (expliquer n’est pas excuser) que je ne peux pas développer ici, bien entendu :

  1. L’antisémitisme présent dans toutes les sociétés européennes depuis l’antiquité et qui se réveille toujours en temps de crise (le phénomène du bouc émissaire). Mais attention, cet antisémitisme n’allait pas jusqu’à souhaiter des violences, y compris pour la grande masse des membres du NSDAP, les témoignages des observateurs étrangers le prouvent.

  2. La crise et le chômage, toujours présents de 1933 à 1936, suivis de la montée des tensions internationales, ces différentes menaces favorisant l’indifférence aux problèmes d’autrui, et cette indifférence étant aggravée par « l’atomisation » de la société propre aux dictatures, qui veut que chacun ne se mêle que de ses propres affaires. Je cite le témoignage d’une femme qui est membre d’un réseau d’aide aux Juifs pendant la guerre et qui est stupéfaite en s’apercevant que la plupart de ses relations ignorent totalement les persécutions dont les Juifs allemands sont victimes.

  3. Le petit nombre de Juifs présents en Allemagne en 1933 (1% de la population selon les critères des lois de Nuremberg), dont une partie émigre rapidement (au moment de la Nuit de Cristal il ne reste que 350 000 Juifs dans le Reich), et qui sont très regroupés dans certaines villes (1/3 habitent la région de Berlin), ce qui fait que la majorité des Allemands n’a pas de Juifs dans son entourage et que l’antisémitisme militant revêt un caractère largement abstrait.

  4. Enfin, il ne faut surtout pas oublier que nous sommes en dictature et que manifester son opposition aux persécutions, c’est risquer sa vie. Seules l’armée et les Églises auraient eu la possibilité de protester haut et fort. On sait ce qu’il en fut.
    Du côté des individus ordinaires, les observateurs présents en Allemagne jusqu’en 1941 attestent que chaque nouvelle vague de persécutions provoquait l’écœurement d’une partie de la population, principalement chez les anciens des partis de gauche, dans les milieux catholiques, la bourgeoisie humaniste et la classe ouvrière. Mais, ajoutent-ils, que pouvaient-ils faire ? Voici deux brefs exemples relatifs à la Nuit de cristal et qui peuvent amener chacun à s’interroger : « et moi, qu’aurais-je fait ? ».
    Ruth Andréas Friedrich, une femme courageuse qui animera jusqu’en 1945 le principal réseau berlinois d’aide aux Juifs raconte sa découverte du pogrom. Dans la rue, les vitrines des magasins juifs ont été défoncées. Le verre jonche la chaussée. Trois voyous de la SA brisent les dernières devantures avec des barres de fer. La foule autour est muette, consternée. On entend des murmures « c’est une honte », mais personne n’ose élever la voix. Ruth non plus, qui rentre effondrée et honteuse chez elle.
    Le même jour, Marie Kahle, femme au foyer catholique, qui croit que le progrom est le fait d’éléments incontrôlés (ce sont presque toujours des petits groupes de SA qui ont provoqué les destructions) va aider une épicière juive à ranger son magasin. Un policier prend son identité. De ce jour, sa vie devient un enfer. Les militants nazis cherchent à la pousser au suicide. Elle reçoit des lettres anonymes de soutien de ses voisins et les commerçants la ravitaillent en cachette mais personne n‘ose s’afficher avec elle. Elle finira par s’enfuir in extremis avec sa famille à la veille de la guerre.

    François Roux.

au sujet des églises, vous dites « auraient pu protester ».
de nombreux homme d’église ont protesté tant du côté catholique que protestant.
certains au péril de leur vie.
mais je rappelle que tout ce qui se disait dans les églises devant les assemblées était sténographié et envoyé à la Kommandatur.
l’essentiel se passait donc « hors champ ».

Bonjour LALILOU,
Quand je parle des Églises, c’est en tant qu’institutions. Si quelques prêtres et pasteurs se sont élevés contre les persécutions antisémites et l’ont payé de leur vie, ce fut en marge des Églises qui ne les soutinrent pas quand la répression les frappa. Ni l’Église catholique ni les Églises évangéliques n’ont protesté publiquement une seule fois durant le IIIe Reich contre la persécution et l’extermination des Juifs et des Tziganes dont elles étaient parfaitement au courant (le Vatican non plus d’ailleurs), ni contre la décimation du clergé polonais, contre la répression qui frappait les Témoins de Jéhovah, contre l’assassinat en masse des prisonniers soviétiques, etc, etc. Au contraire, les encouragements au régime qui ont été lus en chaire chaque dimanche couvriraient des volumes entiers.
La seule protestation publique contre un crime nazi de la part d’un évêque fut celle de Mgr von Galen contre l’euthanasie des malades mentaux (qui durait depuis plus de deux ans) et dans des circonstances particulières puisqu’il s’agissait de faire cesser les attaques de la Gestapo contre l’Église catholique. Hitler ordonna de stopper les actions anticatholiques et la protestation de von Galen cessa mais l’euthanasie des malades « incurables », après un temps d’arrêt, se poursuivit.
Aucun évêque catholique ni luthérien ne subit la moindre violence (quelques jours en résidence surveillée mis à part) de la part des nazis durant les 12 années du IIIe Reich.
François.