Faire bleu

Entendu ce matin, de la bouche d’une vendeuse non dialectophone dans un commerce aux confins du monde germanique et du monde roman. :mrgreen:
Cliente: Bon, alors, salut, à demain !
Vendeuse : Ah, non, demain, je ne serai pas là; je fais bleu jusqu’à mardi prochain !

Je l’ai fait répèter. :smiley:

Evident qu’on a à faire à l’expression allde « blau machen » = être en congé, calquée telle quelle en français .

oui, c’est mignon comme tout !

Et je constate que je ne m’étais jamais demandé pourquoi « blau » machen ! (c’est souvent que l’on utilise ainsi des expressions imagées sans même remarquer qu’elles le sont et sans savoir ce qu’elles signifiaient à l’origine. Ainsi, ce matin j’ai demandé, en français, à une ado allemande qui vit depuis deux ans en France, ce qui lui avait « mis la puce à l’oreille » : elle a cru que je lui reprochais de manquer d’hygiène ! :blush: )

Peut-être avez-vous d’autres explications ?

Peut-être cela vient de sortir de l’atelier/usine et se balader sous le ciel bleu.
Il y a probablement des statistiques qui indiquent une relation entre blau machen / sich krank melden et le beaux temps…

Les explications que j’ai pu trouver dans l’excellent Redensarten-Index font référence, comme l’indique ta citation wikipédia, au travail des teinturiers.
Une des deux explications données par cet index m’a beaucoup amusé:

" Pour fabriquer la couleur bleue, on utilisait jadis beaucoup d’urine.Pour ce faire, une forte consommation de bière était nécéssaire, la conséquence en était donc l’impossibilité pour les teinturiers de travailler le lendemain, parce qu’ils avaient « fait le bleu »."

J’ émets toutefois quelques doutes sur cette explication. :mrgreen:

Pour la teinture, c’est vrai. Pour la bière et l’expression, je ne sais pas.
L’urine était le fixateur de couleur. Or, le seul bleu naturel européen est l’herbe de pastel. Elle donne une couleur bleue assez pâle et il fallait donc insister pour que la fixation de la couleur se fasse. Cela ne veut pas dire qu’ils se saoulaient à la bière, c’est vrai. :confused:

Pas obligatoirement à la bière! :smiley:
Je veux dire, je connaissais l’expression « blau sein »(être ivre) et j’avais supposé que le « blau machen » de Michelmau n’était que le processus qui y mène.

Dans le même ordre d’idées d’expressions d’origine germaniques entrées dans le quotidien de francophones unilingues de ma région:
Dans la forêt avec mon épouse pour cueillir des myrtilles ; une jeune dame est là depuis le matin avec ses enfants; la conversation s’engage ; elle nous dit en avoir cueilli deux « cannes » depuis le matin; geste à l’appui, elle nous montre un pot à lait en métal comme on en utilisait jadis pour aller chercher le lait à la ferme ou chez le laitier:

…et là, je comprends qu’il s’agit de la Milchkanne des Allemands.
Passionnant d’écouter parler les gens;frappé par le nombre de « comme dit », calque parfait du « wie gesagt » allemand,que je peux entendre par jour, alors qu’un « Français de l’intérieur » aurait plutôt dit :« comme (je l’ai déjà) dit ». :wink:

Faut bien avouer que « comme dit », c’est vachement pratique.

euh… de mon temps, on disait « comme je disais », mais comme je suis un vieux schnock, je suppose donc que mon français fait partie des antiquités. :frowning:

:crazy:

dis-moi Michelmau, les Corses et les Ouessantains, ils sont de l’intérieur ou pas ? :wink:

Pas de panique, Anne, c’est juste un clin d’oeil régional. Les Alsaciens appellent parfois les autres Français, les Français de l’intérieur.

Je confirme ! :smiley:

mais si on les appelait les français « de l’extérieur »… ça ne leur plairait sûrement pas… :crazy:

bref… (ce n’est pas pour polémiquer… )

l’anecdote de « kanne/ Canne » me plait beaucoup !! c’est drôle de voir combien de mots que les alsaciens
pensent Français, sont en vérité d’origine allemande :wink:

Je ne panique pas, promis ! :laughing: Mais pour une Bretonne, originaire du bord de mer qui plus est, ça fait quand même un peu bizarre de se dire qu’on est dans la France de l’intérieur… :smiley: (Pour ma part, jusqu’à présent, j’avais plutôt entendu des Bretons -indépendantistes, il est vrai- dire à des Alsaciens : on est presque voisins, y a juste la France qui nous sépare… :smiley: )

en tous les cas, pour la « canne », je suis d’accord avec kissou, c’est vraiment amusant !

Kissou, la région où habite michelmau est à vrai dire francophone de longue date, c’est comme chez nous au Sud-Tyrol, où la langue allemande a franchi la crête des Alpes, tandis que le français en Alsace a franchi la crête des Vosges au Moyen âge, de sorte que les hautes vallées alsaciennes ont toujours été francophones. Mais l’annexion comme terre d’Empire et les contacts avec des populations germanophones plus bas dans les vallées a fait que dans le langage français courant, et autrefois dans le patois « welsche » (roman), se sont insérées des tournures germanophones, tout comme en Belgique wallonne on emploie des tournures germaniques empruntées au flamand ou au francique. Et aussi sur le versant lorrain des Vosges, on peut entendre des expressions d’inspiration germanique.

Tout à fait d’accord avec ce qu’écrit Andergassen.
Voilà ce que pouvait écrire dans ses notes Jean Frédéric Oberlin, qui fut plus de 40 ans durant pasteur de Waldersbach sur l’état linguistique de sa paroisse du Ban de la Roche (Steinthal)en 1803…Ce n’est pas si loin que ça !

Petit remarque; j’adore ce vieux mot de « truchement » que l’on trouve dans les turqueries de Molière pour désigner un interprète. Le terme a d’ailleurs subsisté en Français moderne dans l’expression :« par le truchement de …= par l’intermédiaire de… »