Helgoland

L’île coupée en deux depuis une tempête de 1721 est célèbre en Allemagne pour avoir été échangée auprès des Anglais avec l’île coloniale de Zanzibar alors partie de l’Afrique orientale allemande. Mais pas seulement : évacuée totalement à chaque guerre mondiale, elle a été ravagée par les soldats allemands désœuvrés qui n’avaient pas d’ennemis contre qui se battre pendant la première et totalement réduite en ruine (sauf un arbre qui est resté vivant) par l’aviation anglaise pendant la seconde. A chaque fois, les Helgolandais ont reconstruit leur île, ont retrouvé une prospérité dans des conditions toujours très spéciales. Petit tour d’horizon :

  • port de pêche aux harengs très prospère dans les temps anciens,
  • reconversion dans le cabillot un moment,
  • puis à la chasse à la baleine un autre moment,
  • pour renouer avec la vieille piraterie pendant le blocus continental de Napoléon pour le compte des Anglais mais surtout pour leur propre compte de contrebandiers les plus talentueux de l’histoire des mers du nord,
  • et se retrouver avec un privilège de zone franche hérité des l’époque victorienne,
  • passant des Danois aux Anglais puis aux Allemands,
  • transformée en bastion imprenable par les nazis,
  • bombardée jusqu’au dernier grain de sable par les Anglais et occupée par leur armée
  • reprise par deux étudiants qui plantent un drapeau européen sur le reste du vieux phare en ayant pris soin d’avoir toute la presse de l’époque avec eux,
  • redevenue île de tourisme et de shopping hors-taxe,
  • se tournant maintenant un peu vers le tourisme nature prenant enfin conscience de l’extraordinaire particularité de leur milieu naturel
  • et puis Elie y va souvent, c’est dire si c’est un endroit formidable.

Les plus belles photos, vous les trouverez sur google mais il y a aussi ce beau message dans le kuestenforum.de par Maniharms:
kuestenforum.de/showthread.php?t=6735&page=3

Mes photos de Pâques, en attendant que je vous montre celles de la semaine dernière:
flickr.com/photos/daidefang/ … 079978805/

Merci pour les photos Elie !

j’ai failli y aller il y a 4 ans, mais trop de vent et la mer houleuse nous ont fait renoncer au dernier moment…
peut-être la prochaine fois…

je viens de voir tes photos, sur l’une on voit des falaises « roses », c’est quelle roche ?

Merci pour cet avant-goût de vacances, Elie :wink: !!! Peut-être que cela peut se combiner avec un cap vers les pays scandinaves?

Infos express:

  • C’est aussi sur Helgoland qu’a été écrit l’hymne national allemand, où von Fallersleben avait trouvé refuge, l’île étant alors anglaise.
  • L’école a toujours alphabétiser les enfants en allemand, même à l’époque danoise (en fait comme dans le reste des duchés du Schweswig et du Holstein) et à l’époque anglaise, où l’envoyé de Londres a très vite compris que les Frisons avaient la tête dure et qu’ils ne se soumettraient à rien sans en avoir envie. L’apprentissage de la langue locale se faisait en plus, en partie à l’école aussi.
  • Le langue locale est le Halunder, c’est du frison du nord (Nordfriesisch), je vous ferai un petit descriptif.

Ce serait dommage de précipiter les choses. Je vais souvent en Allemagne du nord et je trouve toujours de merveilleux endroits. Si tu veux bouger un peu, parcours la côte du nord, fais des étapes dans les îles qui te plaisent et dans les villes hanséatiques les mieux conservées. Pour aller à Helgoland, il faut prendre le ferry soit de Wilhelmshaven, Bremerhaven, Cuxhaven ou Büsum. Il y a aussi le Jet à partir de Hamburg qui s’arrête aussi à Wedel et à Cuxhaven (mais regardez bien les prix avant de réserver votre place…). A la limite, combine un tour Hamburg/Schleswig-Holstein/Danemark, c’est déjà beaucoup.

Cette photo et cette vieille carte postale montre bien l’exiguïté de l’endroit. Quand on est debout sur le point culminant du plateau, on voit la mer tout autour de soi, l’île apparaît comme un bateau de roche rouge dans le grand océan vide.

HELGOLANDE ELIE BIS.jpg

(Edit Kissou : je me suis permis d’éditer ton message, car la 2ème photo était beaucoup trop grande).

méconnue , mais sauvage à souhait :stuck_out_tongue:
et le sansibar existe bien

maps.google.fr/maps?hl=fr&tab=wl&q=Helgoland

pour avoir un approche du D anemark , plus l’ île de Sylt un peu plus haut

La langue frisonne, le halunder… tout un programme. C’est l’un des dialectes du Frison septentrional insulaire. La langue est parlée par tout au plus 500 personnes plus ou moins activement, mais on l’entend encore parfois quand deux insulaires aux cheveux blancs bavassent dans un coin. L’école locale l’enseigne encore quelques heures pas semaines, mais les rares jeunes à la maitriser encore la parle avec leurs grands parents. La langue est très fragile, dans la vie maritime, c’est même le bas-allemand (plattdüütsch) qui a pris le pas, et le haut-allemand pour le reste. Les enfants des vieilles familles vont chercher du travail sur le continent, les mariages avec des continentaux et les nouveaux arrivants pour le tourisme font le reste.

Un petit texte sur une tempête:

De Stürrem - De Loch wart djunk, deät begent tu briisen. Nä keem dear Buin ap. De Win es Nürwes. Deät hiilt mank 'e Goater en siist om 'e Hörn bi de Boakwai. Wi mut ii Raintschich uunti, dan dear keem beesti Keäken met Hooiel en Sni. Bi Oos stun gurt beesti See’n bit noa de Haiken ap. Iip Fallem mus 'e laweere, dat 'e noa de Wüp henkoms. Langs Strun stunt en oori Bloch, en de Bräi es al önner Weeter. Wi kan weat Futten wen, wan wi ni iippasse. Bi de Hoawen schtjit de See’n oawer 'e Miir hen. De Damper komt dollung ni. Dear set en berri Halunders uun Tres fas.

Ça change, hein ? :laughing:

Petite aide:

Certaines finales disparaissent, il faut avoir de l’imagination pour les retrouver:
Win = Wind, Nürwes = Nordwest, Oos = Ost, ni = nicht (du platt « nich »), fas = fast, keem = kommen (kommun avec l’anglais, qui pert aussi toutes les finales verbales), henkoms = henkommst

Les voyelles sont un peu « mélangées » par rapport à l’allemand:
Strun = Stand, uun = an/in, Weeter = Wasser, iip = auf, ap = hinauf, keem = kommen, önner = unter

Voyelles « désarondies »
briise(n) est une forme de brüüse(n), comme bruusen en bas-allemand et donc brausen en haut-allemand
Miir est une forme de Müür, le mur français passé en bas-allemand sous les deux formes muur et müür, Mauer en haut-allemand

Les diphtongues sont nombreuses, d’origine diverse:
Goat = Gasse (du bas-allemand Gaat ou Goot), Hoawen (bas-allemand aussi: Hovn/Hobn)
deät = das, dear = da(r), weat = nass, comme l’anglais/néerlandais wet (diphtongaison frisonne spécifique)
Wai = Weg, Rain = Regen, Hooiel = Hagen (diphtongue après vocalisation du -g en -j, commun avec l’anglais, d’où way, rain et hail)
Bui = Bö (emprunté au néerlandais)

Palatalisation surtout en début de mot:
djunk = dunkel, schtjit = schießen (schtj vient de s+palatalisation de k devant un i, donc

Tout cela cumulé dans le même mot:
ii = unser, vient de iis, forme de üüs désarondi avec disparition de la finale
uunti = anziehen, bas-allemand antien, avec la drôle d’évolution aan>uun et disparition de toute finale du verbe

En plus, le lexique même très marqué par le bas-allemand est resté assez particulier sur un fond frison ancien:
Keäk - averse de pluie
berri - beaucoup de, nombreux
dollung - aujourd’hui
Haik - colline
Bloch - rafale de vent

La grammaire est assez simple. Les terminaisons disparaissent à grande échelle, aucune déclinaison si ce n’est un reste de formes archaïques dans certaines expressions, comme partout. Les formes verbales sont assez conservatrices surtout les verbes forts avec des changements de voyelles plus nombreux qu’en haut-allemand au présent aussi. La syntaxe est la même qu’en allemand, sauf qu’il n’y a pas de double infinitif et qu’il existe un forme passive avec le verbe « wen », un peu comme si on disait en allemand « das sit gemacht gekriegt » pour « es ist gemacht worden ». Une bizarrerie frisonne: il n’y a pas de « se » réflexif, on utilise les pronoms compléments (aucune différence entre « ils s’aiment » et « ils les aiment »).

Merci pour cette présentation très interessante et très détaillée du halunder.

Les meilleurs d’entre vous auront même peut-être réussi à comprendre le mot Raintschich:bad:

Rain = Regen, c’est facile

Tschich = bas-allemand Tüüch, allemand Zeug (Regenzeug). Accrochez-vous:

Le üü est désarondi en i,
le ch final du -g bas-allemand est intact mais il raccourcit le i
Ce i palatalise le t initial en tj, prononciation moderne tschj
Dond Tschich.
Facile, non ? :laughing:

moi j’ai retenu qu’une chose… pas de déclinaison !!! :laughing:

Merci pour ce reportage complet (ou presque ??, allez… dis-moi qu’il y a une suite avec
d’autres photos, et d’autres commentaires ! )

Oui, mais à mon âge, ça prend un certain temps de transférer des photos… disons que ça ne marche jamais du premier coup.

Info pour patienter: Helgoland est le centre d’une expérience de grande envergure, les parc éoliens en plein océan. Jusqu’à présent, ce sont les Danois qui ont la main avec leur production éolienne importante grâce à des parc éoliens à quelques kilomètres de la côte. Helgoland offre la possibilité d’aller un peu plus loin: le socle sur lequel l’île repose est une sorte de double échine qui effleure de l’eau à cet endroit mais qui forme en fait un socle assez grand, peu profond et stable. A une trentaine de kilomètres de l’île, il y aura bientôt des éoliennes qui ne risquent pas de manquer de vent. Le socle est assez grand pour qu’on puisse en sacrifier une partie pour les technologie, mais à condition de bien conserver et protéger le reste. La production d’énergie verte dans le nord de l’Allemagne explose, au point que les problèmes s’accumulent pour la transporter dans le sud, là où l’industrie en a tant besoin pour éviter d’importer de la France nucléaire toute proche. Mais c’est une autre histoire…

Une autre curiosité de Helgoland, ce sont les cratères de bombes. Prenez un bouquin et du chocolat, trouvez-vous un trou un jour de beau temps et savourez le doux air iodé sans les coups de vent…

J’ai mis à jour mon album ici, il y a maintenant aussi les photos des falaises que j’adore tant…
flickr.com/photos/daidefang/ … 821711229/
Je n’arrive toujours pas à trouver comment avoir l’adresse direct des photos de flickr, désolé. Ils doivent bloquer un truc.

Une autre particularité pour les touristes, héritée des temps anciens où les quais ne permettaient pas aux bateaux à vapeur d’accoster directement, il faut se faire transporter par une chaloupe, manœuvrée par des marins de l’île, c’est un monopole : le Börteboot.

la chaloupe est OBLIGATOIRE ??? :confused:
ou laaaaa…
va falloir que je prévoies les médicaments pour le mal de mer… la prochaine fois que je vais en Allemagne… :S

Il y a deux saisons:

Eté de mai à Septembre: les bateaux comme sur la photo, dits Seebäderschiffe, jettent l’ancre entre les deux îles et transbordement avec chaloupe. Le mot allemand est umbooten. Il faut vraiment être du nord pour le savoir, c’est pas dans le dico. Par contre, le Halunder Jet, catamaran plus rapide, accoste au port sud de l’île et on débarque sur le quai tranquilou.

Hiver d’octobre à avril: tous les bateaux accostent dans le port sud avec débarquement direct sur le quai.

C’est un compromis local: En été, il y a trop de bateaux en même temps pour les avoir tous dans le port sud, et en plus, il y a un privilège de l’ère victorienne reconnu par l’Allemagne au moment du transfère de souverainement qui stipule que les Börteboote sont le monopole des gens de l’île pour leur permettre de gagner un peu d’argent. Avant, c’était par manque d’infrastructure, maintenant, c’est par politique sociale. Et puis il faut admettre que c’est assez populaire auprès des touristes.

Pour le mal de mer, ma foi, tu seras malade bien avant le Börteboot… il faudra prendre les cachets avant d’embarquer sur le gros bateau. Le petit Börteboot c’est les doigts dans le nez comparé à la traversée quand il y a de la houle. Mais en fait, j’ai toujours eu de la chance, j’ai toujours eu beau temps. Sauf le jour où je devais rentré la semaine dernière… annulation totale de tous les bateaux pour cause de tempête et de houle de plusieurs mètres. Sur l’île, ça allait, mais il parait que la côte en recevait plein la figure. Bref, c’est la mer. Mais quand c’est calme, c’est calme.

Vous aurez compris que j’adore les couleurs de Helgoland. En regardant sur google, je vois deux ou trois photos que j’aurais aimé prendre… un peu jaloux. Les oiseaux sur les falaises rouges :

… et les phoques sur les plages de la Dune, l’autre île entièrement sablonneuse:

Comme ça par exemple ? :wink:

Tu n’as pas à rougir de tes photos, elles valent largement celles de google !
Merci pour le partage :smiley:

Grâce aux bons tuyaux technologiques de Sonka, je peux attirer votre attention sur quelques détails ici en prenant mes photos. Il faut que je vous explique cette image:

Les maisons sont toutes alignées sagement, serrées entre la falaise et le quai. Il y en a aussi sur le bord du plateau côté est, histoire d’éviter le un peu le vent du large. Historiquement, c’était le seul endroit vivable: une fine bande de terre entre la plage inondable ouverte aux tempêtes et les rafales furieuses qui balaient le plateau avec force la plus grande partie de l’année.

Quand ils sont revenus en 1952, les Helgoländer ont fait comme leurs ancêtres, collant leurs maisons les unes contre les autres dans cet ensemble aux murs coloré très dense, comme pour n’oublier personne. Cette colonie des années 50 est sous la protection des monuments historiques, le traumatisme de la destruction totale de l’île par les Anglais fait que les insulaires sont farouchement attachés à garder tout ce qui peut l’être, un peu comme un village d’Astérix…

bien d’accord avec Sonka ! tes photos sont magnifiques et les couleurs sont splendides !
Sur la photo copié-collé par Sonka, on voit une « barre » en béton qui part du bord gauche,
jusqu’à une avancée dans l’eau, c’est quoi ?? une digue de protection pour la falaise ?

Jein. Sur les photos, on évite de la montrer trop, mais sur presque toute la côte ouest, le Kaiser avait fait construire une digue de protection contre les attaques de la marée. Il y en a aussi des bouts qui avancent dans la mer, ce sont des morceaux de projets avortés, soit les idées du Kaiser enterrées avec la première guerre mondiale, soit celles des nazis enterrées avec la seconde.
Les seules digues utilisées de cet époque sont celles qui encerclent le port sud. Les digues de la côte ouest aident à minimiser l’érosion et à briser la houle pour minimiser les inondations, problème récurent dans les temps anciens. Les deux traits droits qui encadrent la Dune sont aussi très utiles, ces deux digues ont stabilisé la dune (Die Düne en allemand et Hallem en Halunder) qui avant cela se promenait au gré de la houle, des tempêtes et des courants. Avant 1721, elle était même reliée à l’île principale aux falaises rouges.

Sur ce schéma, on voit cette extension complètement artificielle pour donner à l’île un port militaire digne de Bismarck et al. (Südhafen et Vorhafen). C’est la pointe sud de l’île, là où le catamaran accoste. Sur la vieille carte postale, on voit bien qu’il n’y avait rien que la mer il y a 150 ans.

Elle n’y était pas mais était en construction… Super la carte postale !

A propos de la carte postale: vous voyez ces mots dans le coin en haut à droite
Grün ist das Land, Rot ist de Kant, Weiss ist der Strand, das sind die Farben von Helgoland

En version locale, il faut passer par le Plattdüütsch (bas-allemand) - eh oui, l’île est trilingue - en corrigeant une petite erreur au passage (Sand et non Strand):

Grön is dat Land - Verte est la terre
Rood is de Kant - Rouge est la falaise
Witt is de Sand - Blanc est le sable
Dat sünd de Faven vun’t Hilige Land - Ce sont les couleurs de Helgoland

Ce sont les couleurs du drapeau de Helgoland, comme vous le reconnaitrez facilement sur les photos.

Ceci nous amène à parler du nom de l’île: Helgoland. Figurez-vous que les locaux l’appellent simplement deät Lun (parfois écrit Lunn), tout simplement « le pays ». L’isolement de l’endroit rend visiblement inutile toute précision :laughing:
Toujours est-il que le terme historique attesté est Hilige Land (bas-allemand) ou Helag Lun (frison), avec une sorte de va-et-vient entre Helaglun, Halaglun et donc Helgeland, Helgoland… la dernière version étant restée sur les cartes officielles. Cela signifie en apparence « le pays saint, la terre sacrée », mais en fait, j’en suis pas vraiment persuadé, car il existe aussi le mot Hallig, les petites îles artificielles en Polder sur la côte frison, dont l’étymologie est incertaine. Dans Helgoland, je vois plus ce Hallig avec -land pour faire joli. Mais rien n’ai sûr.

P.S. Sonka n’aurait jamais dû me dire comment trouver les adresses à copier des photos en ligne, je vous inonde… :blush: .

Historiquement ce n’est pas correct: les anglais ont bombardé l’ile en 1947.