En temps qu’alsacienne, je trouvais « normal » d’apprendre l’allemand comme langue du voisin (et étais très surprise que les savoyards n’apprenaient pas l’italien, les gens du nord, le flamand ou le néerlandais,…), mais ce n’est pas pour autant que j’étais « motivée », je trouvais les langues lointaines beaucoup plus intéressantes car plus exotiques, surtout que les allemands avec qui on était en contact n’étaient pas forcément les plus intéressants (cela joue AUSSI).
Perso, le déclic pour l’allemand je l’ai eu beaucoup plus tard, suite à un travail personnel et là j’ai appris beaucoup plus efficacement que lorsque c’était « parce qu’il le fallait bien » et surtout j’ai rencontré des gens beaucoup plus intéressants aussi avec qui échanger (je rencontre toujours aussi quelques allemands bourrins, mais je relativise, cela existe dans TOUS LES PAYS).
Pour ce qui est de l’apprentissage de l’alsacien, je pense que c’est beaucoup plus complexe que « l’après 1945 » (même si cela joue). Je connais plusieurs jeunes qui ont été elevés exclusivement en alsacien par des grands-parents dialectophones jusqu’à l’entrée en maternelle et qui pourtant ne parlent plus alsacien aujourd’hui et ne sont pas meilleurs en allemand pour autant, mais qui ont développé des compétences pour d’autres langues.
La prédisposition aux langues, ce serait une question de bande passante des sons entendus pendant son enfance, la bande passante audio française étant particulièrement limitée (la plus importante serait pour les langues slaves, prédisposant à apprendre un max d’autres langues avec plus de facilité). On apprend plus facilement si on a été au contact avec d’autres sons pendant sa prime enfance.
C’est sans doute dommage que l’Alsace n’ait pas su garder un vrai bilinguisme, mais en même temps, je pense que pour l’intégration c’était vraiment la meilleure solution.
Dans les années 50, d’intégrer c’était adopter la langue du pays d’accueil, même au risque d’oublier sa langue maternelle. Demandez aus émigrés italiens, croates, polonais de l’époque. Il y a aussi ce retour en arrière « à la recherche de mes racines » pour les émigrés de cette époque là (ou pas parcequ’il ne se sentent plus autre chose que français).
Et puis quand on voit les bisbilles entre groupes linguistiques, franchement cela ne donne pas super envie non plus (suivez mon regard vers la Belgique, mais pas que, n’est-ce pas Andergassen).
Pour l’alsacien ce qui me chagrine c’est cette tendance à dire « mon alsacien est le vrai par rapport à celui du voisin, pfff pfff celui-là qui parle haut-rhinois, c’est moche et bla bla ». L’alsacien standard n’est qu’une vue de l’esprit, cela n’existe pas.
Je vais encore me faire taper, mais pour moi, la seule utilité de l’alsacien, c’est de discuter avec leur langue du coeur des personnes âgées qui ne se sont pas mises au français ou pour qui c’est dur (si si cela existe encore un tout petit peu). Et chez ces personnes, au lieu de dire « oh c’est dommage, personne ne parle plus l’alsacien », j’ai plutôt entendu « C’est super, maintenant tous les enfants parlent français et ce n’est plus un problème » (comme dans les années 1918-1940 où en définitive personne ne savait plus l’allemand et personne ne savait encore le français surtout à la campagne). L’envie que les enfants sachent le français même au risque de perdre la langue régionale, vient à mon avis de 1939 et du traumatisme des personnes qui ont été évacuées dans le sud-ouest et qui se trouvaient en incapacité de communiquer avec des gens qui étaient français eux aussi. A ne pas mésestimer.