Ce titre nécessite une petite explication.
Ceux qui fréquentent le forum - frère (Bonjour Frankreich) connaissent tous notre ami « Napoléon ».
Il y a peu de temps , j’ai eu avec lui un échange de mp , d’e-mails puis de messages postaux. Napoléon préparait un petit séjour à Strasbourg et me demandait des renseignements sur la ville.
Dans une de ses mp , il me transmettait un lien vers le journal RC Zeitung , un organe de presse en langue allemande couvrant la riviera italienne , Monaco et la côte d’Azur et cet article intitulé :"der treue Tourist ", concernait notre ami , ( dans le civil Kar-Heinz), son amour pour la côte d’azur et ses nombreux séjours là-bas.
J’avais lu cet article avec grand interêt ; Karl -Heinz est un peu plus jeune que moi , mais nous appartenons en gros à la même génération et j’ai trouvé son témoignage particulièrement interessant pour donner une idée de ce que pouvaient être , pour des Allemands , des vacances en France à partir des années 60.
J’ai donc demandé à Karl-Heinz l’autorisation de traduire le texte de l’article. K-H , voulant faire les choses dans les règles , a demandé l’autorisation à Madame Aila Stöckmann , auteur de l’article , qui l’a très gentiment accordée . Qu’elle en soit ici remerciée.
Voici donc l’article en question :
LE TOURISTE FIDELE :
Un demi siècle à Saint Raphael : voilà qui fait , sans aucun doute , de Karl - Heinz Schneider originaire de Westphalie un des touristes les plus fidèles de la Côte d’Azur ! Cet employé de bureau se rend chaque année , au minimum une fois , dans le sud ensoleillé. Et non seulement il apprécie le climat mais il se sent tout à fait chez lui en France.
En 1962 , Karl - Heinz Schneider , alors âgé de 10 ans se rend avec ses parents au terrain de camping du « Dramont » où , pour trois semaines à trois personnes , ils dépensent , tout compris , moins de 1000 D-Mark.
Et pour être plus précis , voilà presque 51 ans que Karl - Heinz Schneider se rend , au moins une fois par an à Saint Raphaël. Il a même poussé son amour pour les lieux jusqu’à appeler son unique fille , âgée de 22 ans ; Raphaela. Et son virus pour la côte d’Azur , il l’a transmis non seulement à sa fille , mais à sa femme Ellen.
Pour le jeune Karl - Heinz , alors âgé de 10 ans , l’aventure commence en 1962 par une petite annonce , que son père découvre dans le journal local ; trois semaines de vacances sur la côte d’Azur , voyage et pension complète compris.
Une Odyssée en car :
« A cette époque - là « , se souvient Karl-Heinz , aujourd’hui âgé de 61 ans , « voyager n’avait rien à voir avec ce que c’est devenu aujourd’hui. » Un bus , rempli de touristes avides de soleil quitte donc , durant l’été 62 , le bassin de la Ruhr pour un périple de 1300 kilomètres en direction du camping :« le Dramont ». Pas d’« autoroute du soleil » , pas de climatisation. Tout de localité en localité avec nuit passée à mi-distance ; » il est parfois arrivé qu’en Provence les chaises devant un bistrot aient été dégagées pour permettre au car de s’approcher » , se souvient Karl - Heinz.
De cuisine de bord ou de service boisson , pas question , alors , mais les chauffeurs de car s’arrêtaient à la demande chez les vendeurs de fruits de la nationale 7 et achetaient des pêches pour les passagers.
Deuxième jour , enfin on touche au but , le camping « le Dramont » à Saint Raphaël en bord de mer ; il existe , aujourd’hui encore et même si , depuis ,Karl - Heinz a pris ses quartiers ailleurs, il jette régulièrement , en passant un oeil sur le paradis de sa jeunesse.
En 1962 , ce sont des tentes avec des planchers et de vrais lits qui attendent les familles. Matin , midi et soir , deux couples qui ont fait le voyage , préparent les repas ; les repas chauds consistent en « Bockwurst » (saucisses cuites à l’eau , genre Strasbourg ou Francfort) avec salade de pommes de terre , choucroute (1) avec Mettwurst (2)et autres conserves amenées d’Allemagne. La cuisine française , ce n’est que de nombreuses années plus tard qu’il la découvrira , quand il gagnera lui-même sa vie et louera pour la première fois un appartement de vacances.
Très rapidement , le groupe décide de repousser le déjeuner en fin d’après - midi , car à midi , ils sont tous à la plage. « On mangeait dehors " se souvient Karl - Heinz Schneider " les femmes faisaient la vaisselle et les hommes allaient chercher l’eau dans des seaux. »
Très vite , l’impression d’être chez soi:
Les coups de téléphone occasionnels en Allemagne étaient alors une véritable aventure .« A la petite poste du Dramont , il fallait annoncer à qui on voulait téléphoner , puis attendre d’être appelé , lorsque la communication était établie . Nous avons souvent attendu la communication une heure ou deux sur le trottoir devant la poste. »
Les Schneider profitent en permanence du beau temps des vacances d’été, de la mer comme horizon , du paysage , de l’air , Très vite , ils se sentent chez eux , et reviennent chaque année.
Qu’est-ce qui a changé depuis 1962 ? "Pas grand-chose « , dit Karl - Heinz , « et pourtant tout ». Il évoque tout de suite les relations entre Français et Allemands :« Je n’oublierai jamais les paroles d’un chauffeur de taxi de Saint- Raphaël : » Je ne prends pas de sales boches (3) ( keine deutschen Schweine) » Il évoque même quelques exactions envers des campeurs allemands. « Dix-huit ans après la fin de la guerre , les blessures infligées par l’Allemagne nazie en Provence n’étaient pas refermées. Mais insensiblement , les relations sont devenues plus faciles d’année en année et aujourd’hui , je peux parler du passé même avec des Français d’un certain âge. »
Le charme s’est maintenu :
Concernant la région autour de Saint- Raphaël , pour Karl-Heinz , peu de choses ont changé et beaucoup d’endroits de la côte ont gardé leur authenticité. " Cette région est restée épargnée par le tourisme de masse et on chercherait en vain ,ici ce tourisme « alcoolisé » qui a cours ailleurs."
Une fois par an au minimum , notre Allemand se met en route vers sa seconde patrie , à différents moments de l’année , profite de la côte et explore l’arrière- pays. Et depuis 50 ans , le retour à la maison est toujours un crève-coeur. S’installer définitivement là-bas n’a jamais été vraiment au programme et Karl - Heinz n’a jamais pensé tenter cette aventure. Il a un bon boulot en Allemagne .Quand l’âge de la retraite sera arrivé , d’ici quelques années , plus rien ne fera obstacle à des séjours de plusieurs mois.
En attendant , notre originaire de Westphalie se maintient en forme en écoutant et en regardant la radio et la télé françaises et en achetant des denrées alimentaires françaises. Le prochain voyage est déjà programmé ; le 26 avril , départ à 10 heures précises.
Notes :
(1) choucroute ; il s’agit ci du chou , du légume lui-même , pas de la choucroute telle qu’on la connait en Alsace.
(2) Dans le texte allemand , il est question de « Mettendchen » ; wiki pour ce terme , nous renvoie à Mettwurst , une saucisse maigre.
(3) La traduction de "deutsche Schweine " par « sales boches » est de moi ; K-H ne se souvenait pas (on peut le comprendre ; il avait dix ans) des termes français employés par le chauffeur de taxi.
Le texte original de l’article
Karl-Heinz est également l’auteur d’un site en allemand sur
Le Dramont , sa seconde patrie.
Souhaitons lui , ainsi qu’à son épouse et à sa fille , encore de longs séjours heureux là-bas !