Le correspondant allemand pour le journal zurichois NZZ Christoph Plate est, depuis quelques temps, l’objet d’un « shitstorm » assez amusant à cause de son article d’adieu « Weshalb Deutsche gehen » ("Pourquoi les Allemands partent-ils (de la Suisse), portrait aigri d’un Allemand qui ne s’est jamais senti chez lui dans son pays d’adoption.
Bon, je ne connais la Suisse que par mes nombreux séjours, donc je ne connais pas du tout ce pays dans un contexte quotidien. Donc je ne peux ni approuver, ni réfuter son article. Mais j’avoue avoir presque recraché mon thé de rire lorsque j’ai lu que la « Streitkultur » allemande lui manquait en Suisse. Comme on dit: « c’est le roquefort qui dit au camembert qu’il pue »
Il n’est pas le seul à revenir dans la « Heimat »: de plus en plus d’Allemands expatriés en Suisse font le choix de revenir dans leur pays. tagesspiegel.de/weltspiegel/ … 03728.html
Moi aussi je suis allé m’installer en Allemagne même si je garde le job. Franchement, je trouve l’article très modéré, il aurait pu en dire bien plus et sans les gants. La Suisse est un pays aussi formidable que n’importe quel autre, la question n’est pas là, mais être allemand en Suisse allemande, c’est vraiment à part. Les Suisses allemands passent leur temps à faire la démonstration qu’ils ne sont pas allemands devant des Allemands que cela finit par ne plus amuser. En plus, la démonstration est inévitablement lamentablement ratée, mais passons.
C’est fatiguant d’avoir en face de soi le nationalisme certes parfaitement bénin mais totalement déplacé de gens qui visiblement ont un besoin collectif de gonfler le torse devant des étrangers censés n’avoir qu’un regret dans la vie, celui de ne pas eux aussi être nés suisses. En clair, il est inconcevable pour le Suisse lambda que le monde n’admire pas la Suisse, donc les suisses, donc eux. C’est puéril, cette manie de vous faire remarquer à la moindre occasion comme tout est mieux en Suisse, que eux savent y faire, qu’ils sont un modèle de civilisation démocratique etc…
Mon analyse après vingt ans de rapports proches dont sept en tant que résident me ferait écrire une histoire bien différente. Les Suisses n’ont rien de spécial. Ils ont les mêmes beaufs que tout le monde, ils ont le même regard étriqué et la même ignorance sur leurs voisins que lesdits voisins ou n’importe quel autre pays etc… Et rien ne met plus en rage un Suisse que d’être mis sur un pied d’égalité et même d’identité que le reste du monde. Le Suisse allemand fait trop souvent et trop clairement sentir aux Allemands qu’ils se considère comme « le meilleur pays » pour que ce soit supportable longtemps.
La stupidité habituelle de la plèbe fait que les Suisses allemands me voient comme un Allemand parce que je parle comme un Allemand. J’ai donc droit au même traitement que les Allemands, avec de très nombreux avantages mais aussi des inconvénients usants. C’est cette usure qui fait partir, même si la Suisse restera toujours très accueillante pour les Allemands car la germanité reste un gigantesque avantage.
Remarque générale: Il est profondément stupide de parler d’intégration en Suisse car ils ne s’intègrent même pas entre eux, alors des étrangers…
Ça, c’est ce qu’ils aiment à croire. L’idée d’être des humains comme tous les autres dans le monde les rend dingues. La dinguerie en question explique d’ailleurs une série de referendums plus haineux les uns que les autres. Dans la vraie vie, les vrais Suisses n’ont cependant aucune idée de la portée de leurs votations, ils votent dans la parfaite ignorance dans laquelle ils se laissent bercer. Lisez la Weltwoche pour voir… il ne faut pas plus de trois pages de lecture pour ressentir l’irrésistible envie de prendre le large.
Merci Elie pour ton paragraphe très intéressant.
Je ne connais la Suisse que par mes nombreuses visites, et ne connais donc que très peu de Suisses. Cela dit même en tant que touriste, j’ai senti ce nationalisme narcissique et cette « fermeture » à tout ce qui n’est pas suisse, alors qu’eux mêmes se détestent entre eux en partie (Romandie/Deutschschweiz par ex). Mais l’article me dérange parce qu’il semble livrer une image de l’Allemagne étant le contraire de tout cela… or justement « Il y a des beaufs partout », et je pourrais vous citer plein d’exemples de ma vie en Allemagne où j’ai eu à faire à ces mêmes beaufs nationalistes qui croient encore à la supériorité de l’Allemagne…
Il reproche aux Suisses un antisémitisme et un racisme latent: il a sûrement raison, mais je reproche exactement la même chose à beaucoup de gens en Allemagne… (pour l’avoir vécu)
Il reproche aux Suisses l’absence d’une « Streitkultur »: il a sûrement raison, mais je reproche exactement la même chose à la plupart des Allemands (pas taper)…
Je ne veux pas prendre la défense de la Suisse, dont seuls Elie et Nebenstelle ont une vision quotidienne de ce pays, mais il reproche des choses que tout « expat » dont l’intégration (voire la vie dans ce pays?) a échoué: il idéalise son pays pour se reconforter. Mais avec d’un côté un journaliste qui généralise pas mal, et de l’autre une opinion générale qui semble ne pas écouter les critiques à leur égard, cet article ne sert à rien.
Mais c’est précisémentça : un pays comme les autres. Impossible de le faire admettre aux Suisses. Le seul avantage que le journaliste retire de son tretour en Allemagne, c’est qu’il n’est plus la cible de ces mêmes phénomènes. A l’échelle collective, cela ne change strictement rien, comme tu le dis Dresden, mais à l’échelle de l’individu, ça fait un bien fou.
Moi aussi , Dresden , je ne connais la Suisse que par quelques courts séjours.( La Suisse allde , particulièrement le Bernerland.)
Je trouve la reflexion d’Elie très interessante…Mais je pose quand même la question ; cela ne pourrait-il pas aussi bien s’appliquer à d’autres pays européens (dont la France , par exemple.) Je constate une espèce de banalisation du racisme et l’apparition d’un antisémitisme "intello " de bon teint. La Suisse serait-elle un concentré de beauferie ? Le même pourcentage de beaufs qu’ailleurs , mais sur un territoire géographiquement plus petit ,forcément on ne peut pas les râter.
Mon réflexe serait ; « fuyons les cons nationalistes , racistes et antisémites…malheureusement , on est cernés ! » Je constate ça aussi dans mon environnement immédiat.
J’apprends le turc (une langue passionnante) :je le dis à un voisin , très turcophobe ( un peu en provoc , j’avoue); imaginez sa réaction plus qu’étonnée et à la limite de l’incompréhension !
Moi , devant sa réaction : « vous êtes raciste ? »
Réponse :" Non , mais j’aime pas les Turcs !" Je suis resté sur le c… !
Au niveau quantitatif, ça doit pas faire de différence, mais la connerie suisse est décomplexée (salonfähig). Comme le dit le journaliste dans l’articl, il n’y a pas de force contradictoire, même le bon sens a disparu. Il y a même eu des propositions de référendum clairement anticonstitutionnelles, mais personne n’ose dire stop, pas même ceux investis par l’institution pour ce faire. Il y a eu des lois votées par le peuple dont les politique ne savaient que faire tellement leur application posait de problèmes juridiques.
Je suis allé dire adieu aux trois voisines quime suivaient de près depuis des années et avaient fini par m’adopter. Deux sur trois ont fait la réflexion « vous connaissez vos remplaçants ? ce sont des Suisses, au moins ». Alors qu’elles sont choupinettes tout plein et savent parfaitement que je ne suis pas suisse non plus ! C’est la bêtise avec un fond de racissme sans le faire exprès ! Et les trois m’ont fait le couplet du « oh mon pauvre, vous n’avez pas de chance », exactement la scène décrite dans l’article ! J’insiste : elles sont toutes gentilles, mes anciennes voisines, et pourtant, j’ai eu droit à une sorte de pitié pour ne pas avoir les moyens d’acheter un appart en Suisse. Pour elles, je suis réfugié économique en Allemagne frontalière face aux prix suisses, c’est proprementdélirent !
Le « je n’aime pas les Noirs/Arabes/Allemands/Français mais toi je t’aime bien » est, j’en ai bien peur, universel.
J’ai été accueillie d’une façon extrêmement chaleureuse par un Suisse partisan du SVP malgré mes origines et mes amis québécois ne me cachaient pas leur mépris envers les Français alors qu’ils m’appréciaient franchement (voire plus…).
On pourrait dire que c’est l’apanage des beaufs. Ceux qui ne réfléchissent pas plus loin que l’autre rue mais qui font face aux réalités démographiques de notre époque… et ne font même pas le rapprochement entre leurs opinions franchement réduites et la réalité devant leur porte. Et pour le cas de la France, comme tu le dis michelmau cela devient le même racisme latent « salonfähig » comme on peut le lire dans « Blick am Abend » en Suisse. En Allemagne, ce n’est guère différent: on fustige le NPD (sauf… chez moi…) mais on est d’accord avec les propos tout aussi stigmatisant d’un Friedrich ou Sarrazin pour la simple raison que son « emballage » se vend mieux (analogue à la « dédiabolisation » du FN).
Elie, cette « haine » de l’Allemand est-elle généralisée ou se cantonne-elle à quelques villes? Mes connaissances à Lucerne et Zurich semblent pas être tellement concernées…
Ce n’est pas une haine du tout, c’est plus une puérilité incurrable à chaque fois qu’un Suisse allemand se retrouve à proximité d’un Allemand. Il ne faut pas oublier qu’être Allemand, c’est être une sorte détranger de première classe dans la tête d’un Suisse allemand. Avantage non négligeable qui permet de tenir pendant des années, mais moi aussi j’ai craqué. Les étrangers « seconde et troisième classe » ne vivent pas du tout dans la même Suisse, ce qui ne doit d’ailleurs pas donner envie de s’intégrer à une sorte de soupe à la grimace généralisée dès que ledit étranger approche d’un Suisse. Pour eux, c’est largement pire que pour les Allemands, mais justement, il n’y a pas la déception d’illusions qu’ils n’ont jamais eues. Idem dans d’autres pays, d’ailleurs. N’oubliez pas que mon message principal, c’est que la Suisse est un pays comme un autre, contrairement à ce que pensent les Suisses.
Effectivement, il y a beaucoup de parallèles entre la situation des Allemands en Suisse avec celle des Français au Québec. Etranger de première classe, car la même langue et une culture quasi identique, mais on sera toujours l’étranger qu’on voit d’un mauvais oeil…