Je ne pense pas que la sélection/orientation soit le problème en soi. Il faut bien arriver à une certaine diversité à un moment ou à un autre. Il y a les solutions précoces, et les solutions tardives.
Modèle tardif:
La France a voulu un collège unique. L’ancien système du certificat d’étude a été réformé pour une sorte de pré-bac en fin de troisième juste pour rire. C’est après que l’on décide, et encore, bien des fillières (et pas uniquement les bacs généraux) offre une sorte de seconde commune. Du coup, seules les deux dernières années sont vraiment différenciées, aussi bien pour les bacs généraux que techniques et agricoles. Ceci dit, il ne faut pas caché que l’on peut prendre la petite porte avant: les diplômes professionnels type CAP et BEP, même si leur nom change avec les gouvernements, sont en libre accès.
La sélection/orientation dans tout ça ? Elle se fait par l’échec. Il suffit de ne pas avoir les notes qu’il faut pour continuer pour se voir glisser un dossier pour les petites portes. De plus, la porte reste grande ouverte pour les réfractères à cette école, dans le sens de la sortie. Le problème, c’est de savoir si on aurait pu éviter les désastres.
Modèle précoce:
L’Allemagne tente de déceler tôt la façon dont l’élève apprend, ces points faibles. Le but est en fait d’éviter l’échec. Ne pas envoyer les élèves à l’abatoire, on ne peut pas être contre. Le hic, c’est que l’on peut avancer sans trop se risquer que les profs surestiment peut-être un peu leur capacité à lire la boule de cristal scolaire. Ils ne se trompent en fait pas tant que cela, mais c’est un risque, il faut bien l’avouer.
La sélection/orientation dans tout ça ? Elle se fait par les statistiques. L’expérience donne une idée de la progression des difficultés et des bonne surprises probables. Tout cela est pour moitié chiffré, pour moitié intuitif. On peut esprérer que l’une modère les erreurs de l’autre moitié. Le problème, c’est de savoir si certains ont raté des occasions.
Je ne préfère pas l’un à l’autre. Mais je n’ai qu’une certitude en matière d’enseignement : donner le même diplôme à tout le monde, c’est le donner à personne, car la sélection se fera d’une autre façon après, et les perdants tomberont d’autant plus haut. Ce qui fera d’autant plus mal.
Je pense qu’il faut accepter la sélection. On n’est pas à l’école des fans, on ne peut pas claironner en riant « tout le monde a gagné ». Il faut cependant intégrer très tôt l’idée qu’il n’y a pas de « voie royale » et de « voie de garage ». Pas dans l’absolu. J’ai fait un bac L (A2) et de la linguistique… le menu looser du lycée par excellence même avec de super notes. Je me porte très bien et mon compte en banque aussi. Alors que les bac S sont loin de devenir tous médecins… nos scientifiques rois du lycée se retrouvent dans toutes sortes de filliales après leur bac, ce qui prouve que les sciences, c’était juste un jeu, pas du tout un orientation constructive et personnelle. Les Allemands ont aussi limité les combinaisons de matières au bac pour éviter de passer à côté de connaissances et de savoir-faire indispensables de matières plus formatrices que d’autres (la formulation est polémique, mais quand on a un bac avec religion-psychologie-sport, on n’est pas du tout du même calibre que les allemand-science sociales-math).
Bref, je ne sais pas trop comment éviter la sélection par l’échec à la française sans tomber dans les alternatives angélistes qui empêchent les élèves de se mesurer à eux-mêmes, quitte à ne pas toujours tout réussir. En tout cas, en tant que prof, je déteste répondre aux questions de parents dans le genre « vous pensez qu’elle peut faire… plus tard »? Franchement, c’est aux élèves de trouver en eux leur force, pas à moi et ma boule de cristal.