Pourquoi la séparation entre État et religion est-elle plus forte en France qu'en Allemagne ?

En effet, l’Allemagne se revendique être un état basé sur les valeurs du christianisme, le parti au pouvoir est le parti chrétien démocrate, il y a un impôt pour l’Église, l’enseignement de la religion est obligatoire en primaire dans certains Länder, les membres du gouvernement jurent majoritairement devant dieu (malgré le fait qu’ils aient le choix) de même que les témoins dans les tribunaux, de nombreux jeunes sont croyants, il y a des chapelles dans les hôpitaux et sur le bord des autoroutes…

Qu’est-ce qui a fait que dans l’histoire respective de ces pays, l’un se revendique laïc tandis que l’autre se revendique chrétien ?

Je ne suis pas historienne, encore moins spécialiste des religions, mais je dirais:
La France est devenue laïque (sur le papier, en tout cas) vers la fin du XIXème siècle, avec surtout l’école laïque et le mouvement anti-clérical assez fort à cette époque. Nous n’avions plus d’empereur/roi (qui descend, paraît-il, de droit divins) mais un président élu au suffrage plus ou moins universel.
Si on passe la frontière, que voit-t-on?
Fin du XIXème siècle, on retrouve un empereur d’une Allemagne à peine unifiée, Guillaume II si je ne me trompe pas, prussien jusqu’au bout de l’uniforme aux valeurs protestantes indélébiles même avec OMO. Un exemple parlant: le « Gott mit uns » de l’armée prussienne (qui est resté sous Hitler).
En France, nous avons été laïcisés plus tôt, en Allemagne, uniquement pendant la République de Weimar. (Si l’état était dit chrétien sous le nazisme, I don’t know, je crois bien que oui) Puis certains états libres, comme tu le dis, qui ont toujours des crucifix en salle de classe et qui dispense des cours de religion.
C’est un sujet de dispute entre des amis allemands et moi: On essaie de me convaincre que l’Allemagne est bien laïque, mais comme tu le dis, le parti au pouvoir est la CDU, chose impensable en France…

Bien évidemment mon texte est à prendre avec des pincettes, je ne suis qu’une modeste étudiante, à mon avis certaines personnes du forum détiennent la vraie réponse! :slight_smile:

Bonne analyse, Dresden!
Il n’y a que très peux de pays aux monde qui se déclarent laïques de par leur constitution. On peut les compter sur les doigts des deux mains. Parmi eux, la Turquie, qui, bien que massivement musulmane a proclamé, grâce à Mustapha Kemal Atatürk, la séparation entre le religieux et le politique. Atatürk, me semble-t-il, avait fait une partie de ses études en France.
Je me souviens aussi de la visite de De Gaulle au Mexique, il y a bien longtemps. De Gaulle, qui était croyant, était allé suivre la messe dans une église de Mexico, alors que le président mexicain d’alors, en tant que président d’ un état constitutionnellement laïque, était resté à l’extérieur. On en avait beaucoup parlé dans la presse française de l’époque.
Sinon, un article de wikipédia nous donne un complément d’information sur les autres états laïques au monde.

:wink:

La différence est bien visible aujourd’hui en Alsace-Moselle, cette « Terre d’Empire » annexée par le Reich allemand qui n’a pas connu la séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905, et qui a conservé le régime concordataire.
Quand les Alsaciens de la zone frontière ont été évacués en 1939 vers le Sud-Ouest, ce qui a le plus surpris les habitants des villages d’accueil, en dehors que ces « étrangers » ne parlaient pas français, c’était la cohésion sociale de cette communauté regroupée autour de son prêtre ou de son pasteur.
Mais pour revenir à la différence fondamentale entre la France et l’Allemagne:
Au départ, en France tout comme dans les pays allemands, le souverain l’est « par la grâce de Dieu ». Une différence fondamentale: la France est un pays centralisé, dirigé par un monarque absolu qui pratique la politique du pré carré, tandis que les pays allemands sont une myriade de royaumes, duchés, grands-duchés et principautés de toutes tailles, formant un ensemble plus ou moins lâche sous la direction d’un « empereur germanique » qui siège à Vienne.
Or, en France, il se passe un événement considérable en 1789: la Révolution, qui abolit la royauté, la religion, instaure la République, dont les idées et idéaux essaimeront en Europe, véhiculés par les armées napoléoniennes, entre autres en Allemagne.
Après la chute de Poléon, la réaction royaliste et catholique reprend les rênes en France. L’avènement de la IIIe République marque la faille dans la société française. La droite réactionnaire sous l’alliance du sabre et du goupillon, qui culminera avec l’affaire Dreyfus, et la gauche républicaine et laïque, dont le cheval de bataille sera l’instruction publique, qui était jusqu’alors l’apanage du clergé.
En Allemagne, le mouvement unitaire va se faire à partir de la Prusse dont le berceau, la province de Brandebourg autour de Berlin, est de tradition protestante. Mais la Prusse occupe un immense territoire, qui va de la frontière russe à la frontière française (Sarrebruck est prussienne), et les régions périphériques, notamment la Rhénanie, la Silésie et, depuis le partage de la Pologne, la Posnanie, sont de tradition catholique. De plus, la province de Posen ainsi que la Haute-Silésie sont peuplées d’allogènes de langue polonaise. En Rhénanie, au fil de l’industrialisation, on assistera à la naissance d’un catholicisme social (qui inspirera aussi le catholicisme social en Belgique). C’est de cette mouvance chrétienne et sociale que se réclamera le premier chancelier fédéral Konrad Adenauer, qui entra dans la politique comme bourgmestre de Cologne. Dans la constellation prussienne, le catholicisme rhénan représente une force oppositionnelle très virulente, très ancrée chez les milieux ouvriers de la région de la Ruhr, fer de lance de l’industrie prussienne. L’autre bastion industriel est la Haute-Silésie, autre région à dominance catholique. Entre les deux, des régions d’économie agraire, au sol plus ou moins ingrat, et peuplées de protestants.
En Prusse, l’antagonisme protestants/catholiques va conduire, dans le cadre du « Kulturkampf », à la promulgation des lois sociales, avec la création des assurances sociales, pour prendre de vitesse le catholicisme social en Rhénanie, qui oeuvre dans ce sens.
Sur le plan de l’unification, il faut contrer l’influence des Etats catholiques que sont la Bavière et surtout l’Autriche. Le Prussien Bismarck est partisan d’une « petite Allemagne », c’est-à-dire d’un Empire allemand sans les pays autrichiens, trop catholiques et trop « bougnoulisés » à son goût (on a assez de problèmes comme ça avec les Polaks en Prusse. Alors, s’il faut y mettre encore les Ritals, les Tchèques et les Yougos… bref). L’idée européenne sombrera sans gloire sur le champ de bataille de Sadowa en 1866, et le Reich allemand, l’Allemagne proprement dite telle qu’on la connaît aujourd’hui, sous forme d’une fédération d’Etats allemands, sera fondé à Versailles en 1871, point final d’une guerre d’annexions menée depuis 1864 dont l’Autriche, le Hanovre, la Hesse, la Saxe… et pour finir la France ont fait les frais.
Donc, en résumé, si en France, la religion est associée à une mouvance plutôt réactionnaire, en Allemagne, les communautés religieuses sont traditionnellement ancrées dans le tissu associatif et social. Il n’y a donc pas de contradiction en Allemagne à se proclamer à la fois « social » et « chrétien ».

Excellente analyse à laquelle je souscris totalement, andergassen!..avec une magistrale conclusion qui résume parfaitement la situation actuelle dans nos deux pays respectifs:

:wink:

Pour moi, la réponse est dans les textes de la fin du XVIIIe siècle. On a d’un côté des Français entièrement dévoués au libre arbitre indépendemment de l’existance de Dieu, et de l’autre des Allemands qui identifient la liberté humaine à la révélation chrétienne. Pour les Kant, les Lichtenberg et les Leibnitz, il faut nécessairement un Dieu pour que l’homme soit libre, alors que les Diderot, Voltaire et Rousseau fondent le libre arbitre dans l’exercice de l’esprit par l’homme ce qui le laisse libre de s’en remettre à Dieu ou pas.

Ces fondements intellectuels ont laissé leurs traces dans la politique du XIXe siècle. La France oppose laïcité libertaire et autorité religieuse, alors que l’Allemagne se constuit sur l’opposition entre le nationalisme romantique et le militarisme moral. A la limite, la religion n’a survécu en Allemagne que parce que les politiques étaient trop occupés à autre chose. La France a pris la question à bras le corps.

(Avis perso, on peut très bien penser l’inverse, le contraire ou tout autre chose)

Merci à vous pour vos réponses très intéressantes.

Mais, je ne suis pas sûr de comprendre les raisons profondes de cette différence.
Si, en France, la laïcité a été inscrite dans la constitution, c’est qu’elle constituait une attente forte de la population. Les Français se reconnaissaient ainsi citoyens d’un état qui partageait leurs valeurs. Alors qu’est-ce qui a fait que les Français ont souhaité que la religion n’intervienne plus dans les affaires d’état ? Même si la révolution a abolit la royauté, la religion pour instaurer une République, la religion était sûrement encore très présente, dans les campagnes notamment (je m’imagine mal une proportion élevée d’athées), et y compris lorsque la loi de 1905 a été adoptée.

De plus, le fait que la religion en France soit « associée à une mouvance plutôt réactionnaire » est plutôt une conséquence actuelle de la laïcité et non une cause.

Ca coûtait trop cher ?

Je sors. :laughing:

D’ailleurs, Hitler ne voulait pas rompre avec l’église, mais plutôt la dominer. Ainsi il a divisé les Protestants dans deux camps, les uns qui jouaient son jeu et les autres -minoritaires - qui étaient contre. Les Catholiques ne se divisaient pas, ils essayaient de manoeuvrer habilement comm le Papa Pie XII. Mais beaucoup de prêtres et de pasteurs ont donné leur vie à la Résistance.

Ah non. Surement pas. On peut avoir son opinion, mais l’église du XIXe siècle français est violemment antirépublicaine, d’une méfiance absolue envers les bonapartistes et soutenant tous les coups pour restaurer l’ancien régime. L’église catholique a été d’une constance impressionante. C’est le fait que la droite française actuelle se soit républicanisée par l’intermédiaire du l’épisode bonapartiste qui a mis l’église au pied du mur : c’était soit la bonne entente avec la république conservatrice bonapartiste qui la dominait, soit la restauration réactionnaire de l’ordre monarchique pour retrouver sa place dominante. L’église a choisi la seconde.

C’est la politique qui a invité la chrétienté à revenir dans le jeu parlementaire, par la petite porte. Ce qui évidemment déplait fortement aux soutanes. Les chrétiens raliés à la démocratie républicaine se sont réjoui et sont maintenant intégrés à la culture politique. L’église, elle, ne l’est pas du tout, elle boude depuis cent ans.

tout fait d’accord!

N’oublions pas cependant, par ailleurs, qu’un siècle plus tôt, la Révolution Française, en abolissant l’Ancien Régime abolit un système politique dont le pouvoir est entre les mains 1° de la noblesse 2° du clergé (et 3° de ce que l’on appelle le tiers état) et qu’avec l’avènement de la République, le clergé ainsi que la noblesse perdent de fait ce pouvoir et les privilèges qui vont avec. (dont, ce qui n’est pas négligeable l’abolition des différents impôts d’église…)

l´Allemagne est un pays laique,il y a aucun signe religieux, dans les administrations, il est interdit aux fonctionaires de montrer leur religion.
l´enseignement de la religion n´etais pas obligatoire,ce qui est obligatoire en revanche, c´est la possibilitée d´avoir des cours de religion dans toutes les ecoles,á ma connaissance les menbres du gouvernement, jure sur la constitution,et non sur la bible,et devant la cour constitutionnelle,l´impots d´eglise est un impot volontaire , tu peut refuser de le payer.
quand aux chapelles sur les autoroutes et dans les hopitaux,ça exite aussi .
La france est un cas á part qui n´a pas de modéle dans le monde.

jean  luc :wink:

La république turque s’est largement inspirée de la laïcité à la française. Mais bon, c’est pas vraiment la même chose quand même.

L’Allemagne est laïque dans les textes, mais une bonne partie du système social est délégué aux églises. Pire, les deux églises ont aussi le droit de discriminer à l’embauche pour des raisons religieuses. Pardonnez du peu. La laïcité allemande est une (mauvaise) plaisanterie.

TU peut precisez, s´il te plait.
concernant la laicitée allemande, je tient á te rapeller que chaque pays a le droit de choisir son chemin.La france est un cas á part dans le monde.
C´est pour ça que la question religieuse, est une poudriére.
Quand au systéme social, on est mieux traitée dans les institutions religieuses que dans celle des lands.

jean  luc :wink:

Là n’est pas la question, Jean-Luc, et je peux dire ce que j’en pense en expliquant sur quoi je m’appuis pour avoir un tel jugement. Car je juge, et sévèrement. Les institutions sociales religieuses allemandes se réservent le droit plus ou moins officiellement de choisir leurs clients… ne pas payer la dîme peut avoir des conséquences au moment de choisir une maison de retraite ou un centre de rétablissement médicalisé, voire une école.

De plus, j’aimerais bien savoir combien il y a de profs protestants en Bavière parce que moi, le seul écho que j’en ai eu, c’est un protestant de Nuremberg qui est allé faire ses études à Hamburg pour avoir une chance d’enseigner un jour. C’est peut-être un cas particulier, mais avouez que rencontrer ce genre de personne ne donne pas vraiment envie de devenir prof en Bavière.

Sur le principe, le simple fait que les églises aient le droit de s’asseoir sur le droit du travail en excluant les gens qui ne leur reviennent pas (gays, juifs, autres religions, voire divorcés et ceux qui ne paient pas la dîme dans certains endroits), ce simple fait, donc, suffit à ridiculiser le concepte bancal de laïcité à l’allemande. La république fédérale n’a pas voulu choisir entre les protestants et les catholiques (contrairement à l’Empereur Guillaume), mais ce n’est surement pas de la neutralité religieuse avec respect réel pour l’absence de religion. Certainement pas.

Ils jurent sur la Constitution certes, mais ont le droit de terminer le serment par « so wahr mir Gott helfe ». Droit dont ils ne se privent pas. La dernière fois, seul/e un/e ministre s’était abstenu/e de prononcer cette phrase…

Parmi les 7 districts (Regierungsbezirke) de Bavière, celui de Moyenne-Franconie, dont ressort Nuremberg, est à majorité protestante. On a donc plus de chances, à Nuremberg ou Erlangen, de rencontrer des professeurs protestants que dans les bastions universitaires traditionnellement « noirs » que sont Wurtzbourg, Eichstätt ou Ratisbonne.

Paradoxalement, la séparation de l’Eglise et de l’Etat pratiquée en France met toutes les religions sur un pied d’égalité, chose impensable en Allemagne, aux dires de la chancelière elle-même, lors d’un entretien avec le président de la HALDE à propos de l’égalité de traitement des religions: dans un land à majorité protestante, la religion catholique est traitée différemment, et vice-versa, et il paraîtrait inconcevable que d’autres religions telles que l’islam ou la religion juive soient dans ces conditions traitées sur un pied d’égalité.

Il y a 10 ans tout du moins, certains écoliers étaient obligé de suivre les cours de religion, j’ai pour témoignage mon entourage, qui n’est pas si vieux que ça. Après la situation actuelle je ne la connais pas exactement. Je n’ai jamais dit que les membres du gouvernement juraient sur la bible, mais devant dieu, comme l’a signalé justement Mislep. L’impôt d’église, qu’il soit volontaire ou non ne change rien au caractère « laïc » de l’Allemagne. Il reste un impôt d’église prélevé par l’état.

Et puis tu as habilement éluder la question du parti politique au pouvoir en Allemagne : l’Union Chrétienne-Démocrate…

je ne parlerais que des protestants, et des oeuvres sociale comme le diakonie.Concernant le recrutement du diakonie il est multiconfessionnelle, seule la competence est pris en compte.
l´impots des eglises ne rentre pas en ligne de compthe, mais il me semble logique que ces personnes le payent,car c´est avec cet impots , qu on paye leur salaire.Concernant l´acces aux oeuvres sociales tenue par les eglises, tous peuvent y acceder quelque soit ses opignions(hopiteaux, ecoles,etc,etc)
La laicitée permet de pratiquer la religion,dans le respect mutuelle de tous
Beaucoup de français confondent la laicitée avec l´abscence de religion
mais lá on change de regime et on vas vers un regime totalitaire.

jean luc :wink:
suite á une mauvaise manipulation j´ai du refait mon texte

non jean-luc pas l’absence de religion.

Mais la liberté de ne pas croire… qui est une liberté largement aussi respectable que les autres ! Et qui n’a jamais été respectée par les églises quand elles détiennent un pouvoir politique… :wink: