Bonjour,
Le Monde vient de publier un article sur l’Allemagne et la fameuse Ehrlichkeit.
Un article intéressant, mais caricatural, pour ne pas dire cliché.
Bonne lecture
Pour un Français, la politesse allemande a un côté contre-intuitif. Quand vous êtes en Allemagne, ne dites pas « Auriez-vous, s’il vous plaît, l’amabilité de bien vouloir ouvrir la fenêtre ? », mais « On peut ouvrir la fenêtre ? », sans plus de cérémonie. Si vous êtes invité à une réception à laquelle vous ne comptez pas vous rendre, ne dites pas « Oui, je passerai peut-être », mais « Non, je ne viendrai pas ».
Oubliez vos bonnes manières, vos précautions d’usage, vos circonlocutions. Au mieux, elles seront considérées avec suspicion ; au pire, elles vexeront franchement votre interlocuteur. Car pour un Allemand, la véritable politesse, c’est dire la vérité toute nue, quelles qu’en soient les conséquences. Le petit mensonge, cet arrangement avec la vérité bien pratique pour éviter de dire ou d’entendre des choses réputées désagréables en France, est rigoureusement proscrit au-delà du Rhin. « La « zone de confort », l’espace entre la vérité et le mensonge, est très réduite en Allemagne », confirme Pamela Stenzel, consultante en affaires franco-allemandes.
Cette attitude a un nom : Ehrlichkeit, une sorte de sésame pour comprendre l’âme allemande. Le mot Ehrlichkeit est souvent traduit en français par « sincérité » ou « authenticité », mais ses ramifications sémantiques vont très loin, elles s’appliquent presque à tous les aspects de la vie quotidienne. « Etre sincère, c’est être direct, confirme Richard Pinot, cadre chez Siemens. Pour un Allemand, si quelqu’un n’est pas direct dans sa façon de s’exprimer, c’est qu’il a tendance à cacher quelque chose. Il faut éviter la fausse modestie, ou l’emballage. Tout ce qui est un peu trop poli ne sera pas compris. Le Français ne veut pas déplaire, l’Allemand veut que les choses soient claires. Les nuances et les finesses, si elles ne sont pas indispensables, sont à bannir. »
L’Ehrlichkeit, c’est aussi la fiabilité. Cela comprend le respect de la parole donnée, le partage des informations nécessaires à chacun (faire ce qu’on a dit, dire ce qu’on a fait) et le respect des règles édictées par le groupe.
A un rendez-vous, arrivez en avance, la réunion commencera à l’heure pile. Quand vous traversez la rue, attendez que le petit bonhomme soit vert, au risque de vous voir corrigé par un parent qui vous accusera tout haut de donner le mauvais exemple. Quand vous saluez quelqu’un, serrez-lui la main avec fermeté, en le regardant bien droit dans les yeux. Surtout, ne vous aventurez pas à tenter une bise, surtout à une femme, vous sentirez passer dans son dos un blizzard désapprobateur. Et si vous pensez devoir vous excuser, réfléchissez-y à deux fois, l’excès d’excuse est également considéré comme « maniéré », donc suspect.
Sachez bien qu’on ne séduit pas un Allemand, on le convainc. Si vous souhaitez obtenir quelque chose de lui, tenez-vous- en strictement aux arguments techniques. " En affaires, pas de séduction, pas d’enthousiasme, c’est très mal vu", prévient Richard Pinot. « L’Allemagne est dans un système dit de « low context », explique Mme Stenzel. On dispose de toutes les informations pour pouvoir agir. Il n’y a pas de sous-entendus. Rien n’est laissé dans le vague, on termine toujours ses phrases. C’est aussi la langue, qui place le verbe à la fin, qui veut ça. »
Simple et efficace, tel est donc le credo allemand. Seule zone d’incertitude : le flirt entre homme et femme. Est-il possible, en Allemagne, d’être à la fois sincère et galant ? « C’est compliqué », soupire Alain-Xavier Wurst, un Français spécialiste de la question.
Cécile Boutelet (Berlin, correspondance) Article paru dans l’édition du 04.08.11