Une députée verte autrichienne non-entendante

Elle s’appelle Helene Jarmer. Elle est la première femme-député malentendante au parlement autrichien et a publié un livre au titre révélateur:« Crier ne sert à rien. » Ce titre se réfère au fait que les gens quand ils s’adressent à elle parlent souvent très fort.Mais comme elle le dit elle-même :« Crier ne sert à rien. »
Dans son quotidien, Helene est toujours confrontée à des préjugés et à une forme de peur du contact.Elle a à coeur de lever tous ces obstacles.
-« Des barrières existent, c’est une évidence, mais tout dépend de l’endroit où l’on vit, en Autriche, en Allemagnes ou aux USA. Aux USA, il y a moins de barrières. Selon mon expérience, les gens du sud font preuve de davantage d’ouverture. Tu es malentendante, eh bien on va s’exprimer par gestes. Ici, en Autriche, les gens ont tendance à être sur leurs gardes et ne savent comment se comporter avec moi.C’est sans doute une chose à laquelle on ne peut rien changer…
Quelques « trucs », dans la vie de tous les jours:ne criez pas, écrivez plutôt , s’il vous plait, parlez lentement sans éxagèrer votre gestuelle, servez-vous de l’alphabet dactylologique. Il y a des pays où cela fonctionne mieux comme , par exemple, la Suède.Quand j’étais là-bas, il y a de ça dix ou quinze ans, je n’avais qu’à dire; je suis malentendante.J’aimerais que ce soit aussi simple ici. »
Le livre d’Helene Jarmer est rempli de tuyaux pratiques utilisables au quotidien.Elle y raconte aussi, bien sûr son histoire étonnante.Fille d’un père sculpteur et d’une mère dessinatrice de mode, tous deux malentendants, Helene nait , elle, entendante mais perdra le sens de l’ouïe à l’age de deux ans, suite à un accident de voiture.
Soutenue et encouragée par ses parents, elle parviendra à surmonter tous les obstacles auxquels elle sera confrontée.Elle fait des études à l’université de Vienne puis se lance dans la politique.
L’histoire d’Helene apporte la preuve saisissante que rien n’est impossible, quel que soit le défi auquel la vie peut nous confronter.
La video sur Helene:(je me suis servi des sous-titres pour rédiger ce texte.)

Son discours d’entrée en fonctions au Parlement:(en langue des signes , traduit par une interprète.)

Sa biographie rédigée pour son parti:
http://www.gruene.at/personen/helene_jarmer/(Comme on peut le remarquer, Helene Jarmer est passée par la prestigieuse université Gallaudet, université US par excellence pour sourds et muets.)

Elle est donc sourde, pas malentendante ?
En tout cas chapeau à elle pour son parcours !
Peut-être qu’elle pourra faire des choses en faveur de sa communauté en étant élue ?

Oui, tu as raison, mais le mot sourd m’a un peu gêné.Gehörlos veut bien dire sourd, mais il existe aussi le mot taub.
Le terme sourd (et) muet semble de moins en moins utilisé et connoté péjorativement. Jacques Chirac est , parait-il devenu sourd ( taub)…mais pourrait-on dire en alld qu’il est gehörlos. ? Il y a aussi schwerhörig, que j’associerais à « dur de la feuille. » J’avoue que je suis un peu embarrassé. :blush:

C’est effectivement ce qu’elle s’efforce de faire.

Je trouve qu’elle a beaucoup de courage. :wink:

il y a pas de honte de parler de sourd et de muet (taub und stumm).

On est bien d’accord là-dessus, mais il me semble que le terme de « sourd » est de moins en moins utilisé dans les milieux concernés, surtout en allemand. J’y vois l’influence du bas-allemand doof= sourd, qui s’est maintenu en néerlandais et qui est passé tel quel en allemand moderne avec le sens qu’on lui connait aujourd’hui; idiot.
Il n’y a pas bien longtemps encore, les sourds et muets étaient , en effet , considérés par la masse des gens, comme idiots.
Et d’ailleurs, si on reprend les textes donnés en lien, on ne trouve pas le terme de « taub » mais celui de "gehörlos"et cela à de nombreuses reprises…

Oui mais ce politiquement correct me gêne quand il gêne la compréhension : sourd et malentendant, ce n’est pas franchement identique (je pense que Chirac est malentendant et pas sourd, même si on a le réflexe de dire à quelqu’un qui ne t’a pas entendu « t’es sourd ou quoi ? »)
Parce que dans l’explication, parler plus fort à un malentendant, oui ça peut aider (pas toujours, y’a d’autres facteurs) par contre parler plus fort à un sourd, effectivement, c’est ridicule. En revanche, elle dit qu’il lui suffisait en Suède de « dire » qu’elle était malentendante… Et là je m’interroge, sans doute Kissou peut-elle nous renseigner un peu mieux : les malentendants parlent, pas de doute à ça, mais il me semble que les sourds, pour la plupart, ne parlent pas de manière vraiment compréhensible, si ?

Honte NON…
mais si tu veux mettre un sourd en colère, dis-lui qu’il est sourd-muet, et il risque de t’en mettre une !!

Le terme « sourd-muet » est complètement désuet… Avant, dans « l’ancien temps », on pensait que parce qu’une personne était sourde (elle n’entendait pas) elle était forcément muette. Ce qui est totalement faux mais pour parler, il faut… entendre des sons et chercher à les répéter… Quand on n’entend pas, on ne se sert pas … de la voix tout simplement !

A l’inverse un muet est une personne qui ne parle pas pour de multiples raisons (maladie comme un AVC par exemple ou bien par handicap = il lui manque les cordes vocales depuis la naissance)… Ainsi cette personne sera muette (ne peut pas émettre de son intelligible ou de son tout court), mais les oreilles fonctionnent très bien (souvenez-vous de Bernardo dans Zorro !! c’est un MUET … pas un sourd :wink: :wink: )

Donc actuellement, on peut être muet… ou sourd… rarement les deux (cela relèverait de la malchance)… Donc le terme sourd-muet n’a plus de raison d’être !

Alors on est sourd… ou malentendant… la différence est de taille si l’on s’en tient au niveau d’audition… Un sourd n’entend pas de son, un malentendant entend MAL les sons :wink:

Ceci était une mise au point française, mais, si l’on en revient sur le terme gehörlos, il signifie bien sourd (celui qui a perdu = los , l’audition = gehör )… au contraire de Taub (sourd total, qui n’a jamais entendu)
le cas de Helène Jarmer, est bien gehörlos, elle est née entendante et elle a perdu l’audition au cours d’un accident. Elle est bien gehörlos.
maintenant, peut-être que les allemands sont une différence entre un sourd de naissance (Taub ?? ) et un sourd par perte auditive (gehörlos ) ? cela je l’ignore !
(nb au passage leodico signale gehörlos comme un adjectif, et pas comme un nom… )…

et pour en revenir au sujet principal d’Hélène Jarmer, voilà simplement la preuve que si on veut on peut ! j’espère que son engagement incitera d’autres personnes sourdes ou malentendantes à venir rejoindre les rangs des personnes qui prennent les décisions dans nos pays… Cela ne peut être qu’enrichissant :wink:

(edit : Sonka, je réponds à ta question après)

Cela dépendant de leur degré d’oralisation, et aussi… de leur bon vouloir… la société (je ne parle que de la société française, j’ignore comment cela fonctionne dans les autres pays) a tendance à voir en un sourd un handicapé, or la personne sourde ou malentendante ne considère pas la surdité comme un handicap… déjà il y a un gros fossé.
Ainsi certains sourds, représentés entre autre par Emmanuelle Laborie, ont refusé l’oralisation, pour avoir leur langue, la langue des signes. Ces personnes là ont fait un choix, elle communique exclusivement en langue des signes, et ne parlent donc pas. Cela ne veut pas dire qu’elles n’émettent aucun son, tous les sourds émettent des sons, mais des sons inintelligibles, et, j’en ai fait l’expérience, très pénibles et très cacophoniques pour un entendant !! :laughing: .

A contrario, certains enfants sourds, ont été dès leur plus jeune âge, poussés vers l’oralisation, voire même, quand c’est possible, vers l’appareillage (implant cochléaire). Ces enfants là ont donc été habitués à entendre des sons, et se sont tapés ensuite un nombre d’heures incalculable d’orthophoniste, pour arriver à reproduire les sons entendus.
Il en résulte un langage très particulier, qu’il est possible de comprendre avec un peu d’habitude :wink:

L’oralisation est un sujet très délicat dans le monde des sourds, certains étant pour, d’autres contres… D’autant qu’il ne faut pas oublier que pendant longtemps le langage des signes était INTERDIT ! les sourds communiquaient sous le manteau avec leur main, et tentaient d’oraliser pour faire plaisir aux profs et aussi à l’état (voir ici pour l’interdiction , et ici pour la LSF en général)
Ainsi la langue des signes, longtemps enseignée en toute discrétion, a aujourd’hui le droit d’exister, et certains sourds revendiquent le droit de ne pratiquer QUE cette langue, et pas la langue orale, dans laquelle ils ne se reconnaissent pas.

Mais pour répondre clairement à ta question, soit tu tombes sur un sourd appareillé, qui va émettre des sons compréhensibles, pour peu que tu te donnes la peine de les comprendre (certains sourds appareillés parlent aussi bien que des personnes rescapées d’un gros AVC), soit tu tombes sur un sourd non appareillé (par refus, ou par impossibilité d’appareillage) et là tu as 2 cas devant toi, soit il communique exclusivement en langue des signes, soit il jongle entre la langue des signes et la langue orale, en appuyant l’un avec l’autre… et si t’es douée en devinette tu comprendras vite :wink: :wink:

Quant à la remarque d’Hélène Jarmer sur les suédois, je pense qu’elle parle d’une faculté d’adaptation des suédois quand elle leur dit « je suis malentendante »… En France, souvent, on marque un temps de recul "m.rde comment je vais faire pour me faire comprendre ?? "… Elle n’a peut-être pas trouvé ce temps de recul avec les suédois, ils sont peut-être beaucoup plus ouverts, et adaptent de suite leur gestuelle à la personne malentendante qu’ils ont en face (comme toi tu te mettrais à l’allemand ou au russe, si tu avais un allemand ou un russe en face de toi)…
c’est du moins comme cela que j’ai compris sa remarque dans le texte cité par Michelmau et dans la vidéo par la traduction (parce que j’avoue que les signes… sont très loin dans ma mémoire… à mon grand regret)…

nb : désolée pour la grande discussion… bon courage pour la lecture !

Merci Kissou ! J’ignorais qu’ils pouvaient être appareillés pour entendre et parler !

tiens regarde : youtube.com/watch?v=P5LYAa-a … re=related
une petite vidéo vaut mieux qu’un long discours…

La vidéo qui suit est encore plus parlante…

Merci , Kissou,pour toutes ces explications qui permettent de mieux comprendre.
Je me suis fortement interessé , il y a quelques années à la LSF (langue des signes françaises) par une collègue qui avait travaillé dans un institut pour malentendants.
Je conseillerais à tous ceux qui veulent en savoir plus sur le sujet de lire l’excellent bouquin d’Emmanuelle Laborit, que Kissou a mentionnée; ce livre s’intitule « le cri de la mouette » et permet de comprendre beaucoup de choses de l’intérieur.
Pour en revenir à Helene Jarmer, elle fait , avec beaucoup d’humour,devant le Parlement, un petit cours sur la langue des signes dans lequel elle nous enseigne plusieurs choses:

  1. le nom d’une personne , en langue des signes correspond souvent à une caractéristique physique; pour elle, un signe qui veut dire « cheveux longs » , même si aujourd’hui elle les porte courts, ce signe restant son nom signé toute sa vie durant.
  2. les langues des signes sont nationales; merci, en langue allde des signes s’exprime par un geste de la main, alors qu’en langue des signes chinoise c’est par une légère inclination du buste.
    Il existe même, à l’intérieur des langues nationales des signes, des différences dialectales; Helene explique p-e, que le verbe machen n’est pas signé de la même façon en Styrie et au Tyrol.
  3. Quand des malentendants de différentes nations se rencontrent, ils échangent souvent entre eux dans la langue des signes US, qui a un peu le même statut que l’angloaméricain pour le reste de la population.

c’est aussi le cas en langue des signes françaises… un exemple simple le signe « Paris » n’est pas le même à Bordeaux et… à Paris… pour une simple raison… Quand on est à Bordeaux et que l’on VA à Paris, on MONTE à Paris, le signe est donc en mouvement pour faire signe que l’on y « MONTE ».
Si on est A PARIS, et que l’on ne bouge pas de Paris, alors le signe n’a pas de mouvement, et n’est pas localisé sur la même partie du corps. Dans le premier cas le signe part du haut de l’épaule droite pour aller vers le haut (et on fait le signe 2 fois), dans le deuxième cas le signe est fait 2 fois, mais au niveau de la hanche (entre la hanche et le nombril si mes souvenirs sont exacts)…
mais si tu réfléchis bien, cela se relève aussi dans le langage parlé, un Lillois DESCEND à Paris, un Bordelais MONTE à Paris :wink: :wink:

En somme la localisation et la différenciation d’un signe, c’est… la déclinaison allemande comme dans ton exemple :

merci pour le lien.
je ne dirais pas que ce n’est pas un handicap, puisque c’est quelque chose qu’il faut surmonter pour essayer de vivre le plus normalement possible.
mais c’est un message très positif pour tous ceux qui sont concernés par le handicap.

PS : et c’est vrai qu’en Autriche, pour le peu que j’en connais, on a moins la culture du geste ajouté à la parole pour parler. pourtant quelque part par rapport à l’Allemagne notamment, c’est un « pays du sud ».

donc tu n’as rien compris…
Les sourds ne se pensent pas handicapés, simplement parce que si tout le monde parlait leur langue, ils ne seraient pas isolés…
Tu te retrouves en Chine sans parler le Mandarin, es-tu une handicapée ?? non…
et bien pour eux c’est pareil… Si tout le monde pouvait communiquer en langue des signes, aucun entendant ne considérerait les sourds comme des handicapés…

Au passage, quand on voit la vidéo mise par Michelmau, concernant le discours d’entrée de Hélène Jammer au parlement, a-t-elle vraiment l’air d’une handicapée ??? je ne pense pas…

Bien sûr que non.
Je ne vois pas en effet pourquoi il faudrait la considérer comme une handicapée.
Il faut arrêter de vouloir absolument classer les individus par catégorie.
De plus n’oublions pas que beaucoup de handicaps ne se voient tout simplement pas. :wink:

Je ne pense pas du tout que ce soit comparable. Parce qu’en Chine, tu as toujours le choix d’apprendre le mandarin, choix que n’a pas le sourd. C’est bien là qu’il réside le handicap, en l’absence d’une possibilité et don d’un choix.
Après, qu’ils ne veuillent pas être stigmatisés par un vocable comme handicapé, ça se comprend très bien, mais je ne crois pas que ce soit utile de nier la réalité.

merci Sonka : c’est tout à fait cela !

mais pourquoi c’est le sourd qui est qualifié d’handicapé ??
pourquoi n’est-ce pas l’entendant qui est qualifié d’handicapé ?? après tout… c’est très handicapant d’entendre des choses que l’on ne devrait pas entendre non ?

la société actuelle catalogue ce qui ne sont pas « normaux »… mais au nom de quelle normalité ?? qui a instauré cette normalité ?? un être « normal » bien sûr… je suis « normal » alors ceux qui sont différents de moi, sont des handicapés… et bien je dis non ! si l’on pensait et si l’on faisait la société de tous les jours pour qu’elle s’adapte à un maximum de personnes, il n’y aurait plus d’handicapé parce que tout le monde pourrait faire ce qu’il veut quand il en a envie…

Dans le cas de cette parlementaire, elle doit être très douée pour lire sur les lèvres, et donc comprendre (ou surprendre) toutes les conversations des entendants, et suivre sans trop de problème une discussion… Par contre, met avec elle une deuxième parlementaire sourde ou malentendante… et demande leur de communiquer en langue des signes… c’est les autres parlementaires qui seront handicapés car ils ne pourront pas comprendre la conversation…

le handicap, c’est comme une frontière, tu le vois… ou pas… cela dépend de quel côté de la frontière tu te trouves…