BERLIN le 19 juillet 2006 (AFP) - Un exemplaire-test du quotidien populaire Bild version française sera présenté dans les prochaines semaines à la direction du groupe d’édition berlinois Axel Springer, rapporte dans son édition datée de jeudi l’hebdomadaire allemand Manager Magazin.
Mais, Surfanna, je ne sais pas si tu as fait des études de journalisme (me souviens plus) mais tu ne peux pas comparer BILD avec vos magazines Gala, Voici, etc. Si un journaliste lisait ce genre de comparaison, il aurait les cheveux qui se dressent sur la tête.
Si j’ai l’occasion (et le temps), je vous mettrai des infos à ce sujet avant notre départ en vacances début août. Mais je serai quand même étonné que personne sur le forum ne connaisse l’histoire et le rôle qu’a joué le journal BILD au cours des 2 ou 3 dernières décennies en Allemagne. Il faut absolument qu’on s’arrange pour combler ça. Juste pour vous donner une idée : contrairement à la presse à scandale et à sensation dont parlait Surfanna (Voici, Gala, etc), BILD a joué, aux côtés du Spiegel, un rôle central dans la mise en évidence de scandales politiques (et économiques). A tel point que cela a fait tomber des Ministères ! Ca m’étonnerait qu’on puisse dire la même chose de Voici ou de Gala… Si je trouve le temps, je vous en parlerai sur le forum avant de partir en vacances (ou à notre retour). BILD a joué pendant de nombreuses années un rôle central dans la presse d’information allemande. Et connaître l’histoire de ce quotidien et son énorme influence sur le monde politique me paraît très important car c’est un formidable éclairage sur la vie politique et la société allemande de ces 20 ou 30 dernières années.
Désolée, je ne savais pas… Pour moi, BILD c’est surtout le journal le plus vendu en Allemagne, et où on peut voir une fille ganz nackt sur la deuxième page ! Un peu réducteur, sans doute, je l’avoue…
Je serai très intéressée par un historique complet du BILD ! Merci Gaston pour toutes ces infos que tu nous donnes !!
Il n’y a pas de problèmes Surfanna, ce n’était pas une critique, rassure-toi, mais simplement pour rectifier qu’il ne faut pas comparer BILD avec la presse à scandale et à sensation que vous connaissez en France.
D’ailleurs, en France, il y a un quotidien qui exerce lui aussi une influence sur les milieux politiques c’est le Canard Enchaîné. Certes, c’est pas vraiment comparable, car il est beaucoup moins vendu que la BILD, et puis la BILD a une histoire différente du Canard, mais peut-être que ça va vous surprendre d’apprendre que dans les Cabinets ministériels français (donc dans les hauts lieux de la politique en France), les dépêches du Canard sont très suivies. Et ce ne sont pas des ragots, ça fait des années que c’est le cas. Je me souviens que déjà à l’époque où j’étais étudiant à l’IEP de Paris on en avait parlé dans un des cours. Et j’en ai encore parlé pas plus tard que ce week-end avec une amie qui a travaillé au cabinet du Ministre de la Culture à Paris…
C’est fou, n’est-ce pas, de savoir que des journaux, que tout le monde pense être « des feuilles de choux », puissent jouer de tels rôles et tant influencer nos décideurs politiques ?
D’ailleurs, pour revenir à la BILD, si vous faites une simple recherche sur www.amazon.de vous allez tomber à la renverse quand vous verrez le nombre de livres qui ont été écrit sur la BILD ; que ce soit des critiques ou des analyses très sérieuses (sociologues, etc). Des dizaines d’ouvrages ! C’est stupéfiant.
Mais, pour revenir à l’information que nous a fait partager Sébastien, que le Groupe Springer réfléchissait à lancer un équivalent de BILD en France, faites gaffe quand même car c’est un groupe de presse extrêmement puissant et influent. Je ne sais pas si c’est de bonne augure, franchement.
Je vais dans le même sens que Gaston en ce qui concerne la comparaison avec Gala. En réalité, on n’a pas de journal équivalent de la Bild en France. C’est peut-être aussi pour ça qu’ils veulent combler cette « niche ».
Je ne suis pas sûre de comprendre ce que tu veux dire : à cause d’un journal de type Bild précisément ? Parce que sinon, Axel Springer est déjà présent en France.
À mon avis c’est surtout la qualité de l’information qui n’est pas comparable. Je crois que, malgré son influence, BILD est un journal assez minable, alors que le Canard est un journal d’information satirique, assez appréciable en son genre.
On ne peut pas encore parler de « danger » Sébastien. C’est un peu « verfrüht » (trop tôt).
Ceci dit, il faut prendre en compte que, en-dehors de l’argument très juste de Sonka (profiter d’une niche), il y a d’énormes intérêts là derrière (notamment financiers) et d’importants risques.
Les intérêts sont multiples : Il y a bien sûr les intérêts financiers. A ce sujet, il suffit pour s’en rendre compte de rappeler ce qu’un quotidien de ce type brasse comme sommes d’argent : avec des ventes dépassant les 4 millions d’exemplaires par jour, plusieurs centaines de journalistes (dans le pays et à l’étranger), les pigistes, les rédacteurs, et tout le personnel pour faire tourner un journal comme BILD en Allemagne (de la conception à la distribution - car il faut prendre en considération tout la chaîne), sans oublier les contrats publicitaires (dont les montants vous feraient peur… je ne sais pas si l’un ou l’autre d’entre-vous a déjà travaillé dans ce domaine*), les intérêts financiers qu’il y a là derrière sont donc colossaux.
Les risques sont nombreux. Il faut savoir que le marché de la presse écrite est un marché extrêmement tendu. Un nouveau quotidien menace toujours les ventes des quotidiens déjà en place. Il ne faut pas oublier que la presse écrite traverse une crise majeure depuis plusieurs années ! Rappelez-vous : le quotidien Libération avait failli disparaître il y a peu de temps. Or, la tendance est très claire ces dernières années : les grands quotidiens perdent de plus en plus de lecteurs et se trouvent face à des casse-têtes, alors que les « petits journaux à sensation » battent année après année des records de vente ! Donc un journal de ce type a un potentiel énorme sur un marché comme la France, qui est un marché bien réputé pour ses ventes de journaux (les Français consomment plus de journaux que la moyenne européenne).
Un autre élément : Le groupe Axel Springer est le plus grand groupe de presse en Allemagne (il contrôle environ 20% de l’ensemble de la presse écrite en Allemagne). Et, en-dehors des frontières allemandes, il est un des plus grands groupes de presse au monde…
Il y a donc de nombreux arguments qui justifient que l’on puisse s’inquiéter d’une telle nouvelle. Si j’étais journaliste ou responsable dans un journal français, je me ferai de sérieux soucis.
*pour vous donner juste un exemple de ce que représente les contrats publicitaires dans les recettes des journaux : l’entreprise Carat Internat., basée près de Wiesbaden, s’occupe depuis de nombreuses années des négociations sur les ventes et les achats d’espaces publicitaires dans des centaines de journaux et de magazines en Allemagne et en Europe. Ce type d’entreprise il en existe des dizaines d’autres. Ces entreprises servent d’intermédiaire entre les marques (qui veulent faire de la pub) et les journaux. Ce ne sont jamais les marques ni les journaux qui s’occupent en direct des achats et ventes d’espaces publicitaires. Il y a quasiment toujours des intermédiaires.
En 1996, chez Carat Internat. un espace publicitaire d’une demi-page (il y a des unités de mesures et de calcul très complexes, donc je simplifie volontairement) dans un quotidien comme le Tagesspiegel par exemple coûtait entre 150 et 250.000 DM (~75 à 125.000 Euros). Pour chaque publicité d’une demi-page ! Et par jour !
Et là on parle de quotidiens de taille moyenne, pas de quotidiens de la taille de BILD. Donc vous pouvez vous imaginer les millions que coûtent (et rapportent) tous les jours les espaces publicitaires dans un quotidien de la taille de BILD…
Ce petit exemple était juste pour vous donner une petite idée d’un des aspects (les recettes issues de la vente des espaces publicitaires). Mais il y a bien d’autres aspects…
Entre parenthèses : le petit exemple chiffré que je viens de vous donner concerne un quotidien (le Tagesspiegel) dont il ne se vend que 110 à 120.000 exemplaires par jour… autrement dit : 40 fois moins que la BILD.
Donc, dorénavant quand vous ouvrirez vos quotidiens préférés, pensez à cela : les pages de pub de vos quotidiens et journaux ou magazines sont l’object de négociations financières colossales.
En comparaison, les recettes issues du prix de vente d’un journal/magazine sont minimes. Si on prend la magazine Der Spiegel, qui tire á environ 1 million d’exemplaires par semaine, à 3 Euros de prix de vente pièce, cela fait environ 3 millions de recettes issues de la vente. Rien que la vente d’une dizaine d’espaces publicitaires rapporte plus que ça… Et je ne sais pas si vous avez déjà eu Der Spiegel en main, mais sur les 200 ou 250 pages, il y a en un paquet des pages de pub, pas seulement une dizaine…
Vous l’aurez donc compris : les intérêts financiers (que des groupe de presse aussi puissants que le groupe Axel Springer voient dans la diffusion d’un quotidien ou d’un magazine, surtout sur un marché aussi juteux que le marché français) sont énormes.
Absolument Pottasleikir. Le groupe Springer a toujours fait dans la presse qui dispense le lecteur de réfléchir, avec un mélange de sex, de sport, de crimes, etc. Et BILD en est un parfait exemple.
En allemand on dit : « Verdummungsmethode » (méthodes d’abrutissement). C’est d’ailleurs pour ça que la groupe a acheté le quotidien Die Welt en 1953 (journal créé par les Anglais en 46). Et c’est aussi pour ça que le groupe s’est diversifié durant longtemps (achat de journaux régionaux, acquisition de 35% de la chaîne tv Sat1, achat d’une grande radio de München, etc), et en rachetant des titres « mieux réputés » aussi. Pour « redorer » un peu le blason du groupe Springer, en quelque sorte…
Ceci dit, je le répète : vous êtez peut-être encore un peu jeunes pour en avoir des souvenirs, et peut-être que vous ne connaissez pas suffisamment l’histoire de la presse allemande, mais BILD y a joué un rôle très important. Et son influence sur le monde politique et économique allemand est très importante. Donc, on peut critiquer (je trouve moi aussi que c’est un très mauvais journal), mais il ne faut surtout pas négliger les aspects évoqués ci-dessus. La qualité n’a strictement rien à voir avec l’importance ou l’influence d’un organe ou d’un journal ou autre. Les deux choses ne sont pas liés. Attention de ne pas l’oublier.
Oui, mais justement, ça me semble très ambitieux de vouloir lancer un nouveau journal payant, surtout un journal non spécialisé et surtout si c’est avec l’intention d’en faire le même géant que la Bild. Car quand j’ai dit qu’il n’y avait pas de journal équivalent du Bild en France, je vous ai caché un petit détail : il y a environ 2 mois, à Lyon, un nouveau gratuit a fait son apparition (je crois que c’est Lyon soir ou un truc de ce goût) et c’est exactement dans la veine de Bild ! Donc, si les gratuits partent sur ce terrain, je pense que ça va être difficile de faire démarrer un payant sur le même terrain.
Oui mais tu sembles oublier que ceux qui lancent des petits journaux gratuits ne disposent pas des mêmes moyens qu’un groupe mondial de la taille du groupe Springer… *
Donc, si cela fait partie des projets du groupe Axel Springer (et je suppose que oui car ils ne lanceraient pas une telle annonce sans avoir fait une étude de marché très sérieuse), c’est qu’ils estiment avoir de bonnes chances sur le marché de la presse écrite française. Encore une fois : les titres à sensation ne se sont jamais aussi bien portés que de nos jours, alors que les grands quotidiens d’informations peinent à garder leurs lecteurs et traversent de sérieuses difficultés financières. Et le marché français de la presse écrite est un marché juteux.
Le Groupe Springer emploie plus de 10.000 personnes à travers le monde, et le chiffre d’affaires annuel se monte à plus de 2 milliards d’Euros. Donc comparez un petit journal gratuit, qui est probablement le fait d’un petit groupe de copains qui avaient envie de se lancer dans leur passion ou d’une association voire d’une toute petite entreprise, avec un groupe comme Springer, me semble un peu rapide comme comparaison.
Ce n’est pas parce qu’en apparence cela semble être destiné au même public/lectorat, que cela veut dire que c’est pareil. Entre le petit gratuit lyonnais dont tu parles et un journal à diffusion nationale de la taille d’un BILD les ambitions (et les enjeux) ne sont pas du tout les mêmes…
D’après ce que je viens de lire (en faisant une recherche sur internet) deux autres choses me semblent importantes à signaler :
Der Verlag legt jedoch Wert auf die Feststellung, dass er auf keinem Markt mit einer Kopie von „Bild“ antreten werde. Falls Springer seine „Boulevard-Kompetenz in ein weiteres Land transportieren“ werde, dann mit einem Produkt, das den Gewohnheiten und Vorlieben der dortigen Leser angepasst sei.
(handelsblatt.com/)
Donc ce ne sera pas une « copie » de la BILD.
Deuxième chose intéressante à signaler : Springer kann im Auslandsgeschäft große Erfolge vorweisen. Das Regenbogenblatt « Fakt » wurde 2003 in Polen gelauncht und soll laut eigenen Angaben mit einer Auflage von einer halben Million Exemplaren die größte Tageszeitung des Landes sein.
(horizont.net/news/medien/pag … l?id=64256)
Autrement dit : si Springer se lance dans cette affaire, c’est très probablement parce que ses chances de succès sont importantes.
N’oublions pas qu’il est question de 100 millions d’Euros d’investissement rien que pour le lancement…