11 novembre

Et ça se voit dans les journaux! Alors que les journaux français et angmais accordent une bonne place à cette commémoration, on peine à trouver un entrefilet sur le sujet à la une des quotidiens allemands sur internet…

Edit: même les journaux suédois ont des articles en une!

Pourquoi réagissent ils comme ça ?! :frowning:

Il faut bien se mettre à la place des Allemands, Mürrisch. Le 11 novembre 1918, les Allemands se reconnaissent vaincus et signent l’armistice (L’Autriche-Hongrie l’a déjà signé le 4). Ils se sentent vaincus, et surtout trahis, car il ne faut pas l’oublier, l’Allemagne est en pleine révolution, fomentée par marins de Kiel à qui les jusqu’au-boutistes ont demandé de liver un baroud d’honneur. Le 11 novembre est aussi jour de fête nationale pour la Pologne, qui rejoint le concert des nations après 120 années de disparition de l’Etat polonais. Et si l’Allemagne est un pays pris par la fièvre révolutionnaire, l’Autriche et la Hongrie, Etats multinationaux, sont en pleine déliquescence, et elles aussi contaminées par le virus rouge.
Donc, pour les Allemands, aucune raison de faire la fête. De même pour le 8 mai, qui a une valeur encore très contestée dans l’Allemagne d’aujourd’hui: jour de libération du fascisme, ou jour de capitulation?
A Strasbourg, il existe une rue du 22 novembre. Ce n’est pas la date de la libération de la ville des troupes allemandes (ce n’aurait aucun sens, sinon une erreur d’un jour, puisque la ville a été libérée le 23 novembre 1944), mais de la libération… des soviets. En effet, parmi les marins mutinés de Kiel se trouvent aussi des Alsaciens qui, rentrant chez eux, passent par des villes aux mains des insurgés spartakistes, sont contaminés par le bacille et instaurent une république des soviets à Strasbourg! Le drapeau rouge flotte sur la cathédrale! Et l’armée française arrive pour y mettre bon ordre! Car n’oublions pas, l’Alsace-Moselle fait encore partie à ce moment du Reich allemand!

Dans le même ordre d’idée, si l’on donne le nom de victoires à nos places, à nos cinémas, à nos cafés et à nos gares, nos adversaires en font tout autant! C’est toujours une question de perspective!
Alphonse Allais se demandait toujours pourquoi les Anglais donnaient un nom de défaite à leurs gares et à leurs places… (Waterloo, Trafalgar…) :wink:

Je pensais que la mémoire collective avait tourner la page … Mais merci pour ce que tu as dit, tu m’as appris des choses :smiley:

Pourquoi viendrions-nous sur ce forum, sinon? Moi aussi, je suis ici pour apprendre! :wink:

Pour ce qui est de la mémoire collective, c’est justement sa pérennité qui cimente la nation, mais qui constitue tout de même un terreau d’où peuvent surgir des fleurs pas très belles, ou des champignons assez vénéneux, pour peu que certains individus le cultivent en conséquence…

Je rajouterais:

Aujourd’hui encore, des phrases comme: Nos héros, qui sont morts pour la patrie, le rayonnement de la nation, nos valeurs et leur rôle civilisateur dans le monde etc…, phrases tout à fait normales en France (et ailleurs), sont considérées de très mauvais gout en Allemagne. On y préfère des commémorations discrètes: schlichte Feiern.

Et pour cause: ce qu’il faut comprendre c’est que l’Allemagne avait pris une telle « over-dose » de manifestations et celebrations nationales et nationalistes (et bien pire) pendant les années noires du nazisme, qu’elle est devenu extremement réticente quant à toute manifestation publique et organisée d’un sentiment collectif lié à la patrie, même le plus positif.

Ce n’est que depuis quelques petites années, que une partie de l’Allemagne ose à nouveau sortir ses drapeaux et elle se tate toujours: jusqu’à quel point pouvons-nous nous penser en « nation » jusqu’où pouvons, voulons nous aller et montrer un sentiment « national » envers nous-même, envers le reste du monde.

La joie collective - avec drapeaux - pendant la coupe du monde de foot il y a deux ans, par exemple, était un phénomène considérable en Allemagne, du jamais vu après guerre, qui déclenchait des discussiones interminables dans les journaux allemands: Est-ce bien? normal? signe d’une nouvelle Allemagne appaisée? Ou faut-il au contraire avoir peur, comment ose-t-on s’associer à un sentiment collectif, s’identifier ostensiblement avec des signes tellement lourdes de sens qu’ un drapeau, serait-ce le retour du nationalisme?

Ces questions ne sont pas du tout tranchés.

Il est vrai que, comme le dit oschpele, Strasbourg a connu en 1918 des conseils ouvriers (soviets) et une « Elsässische Räterepublik ».

:wink:

Tu as très bien résumé, nebenstelle! Tout à fait d’accord. Moi, d’ailleurs, j’ai hissé le drapeau coréen sur mon balcon pendant la Weltmeisterschaft, pour installer un tout petit contre-poids à tous ces drapeaux allemands. :smiley:
« Nos » Turcs avaient le drapeau allemand et le drapeau turc en même temps à leurs voitures. J’ai apprécié.

Merci, cri-zi :wink:

@Mürrisch: je trouve d’ailleurs très précieux et rassurant, ce que tu dis!

Autre génération, autre perception! L’avenir est à vous! :smiley:

Y’a tout plein d’émissions là-dessus sur France Inter en ce moment, si le sujet vous intéresse, fouillez dans les archives… Il me semble que les 2000 ans d’histoire de la semaine dernière étaient déjà consacrés au 11 novembre et j’ai entendu une émission cet après-midi (je ne sais plus laquelle !) sur les tirailleurs des colonies recrutés pendant la 1ère guerre mondiale… Beaucoup d’émissions intéressantes !

C’est ce que j’ai toujours appris à l’école aussi… Et pas du tout ce que disaient les spécialistes de France Inter, justement !!! Ils parlent certes bien du sentiment de trahison, mais pas du sentiment de défaite : ils disent qu’en fait les Allemands se croyaient plutôt vainqueurs au moment de l’armistice. Cela semble absurde de premier abord, mais en fait, si j’ai bien compris, le combat battait son plein et les Allemands étaient sur le territoire français, alors que le territoire allemand lui n’avait pas été envahi ! Du coup, les Allemands n’avaient pas vraiment l’impression d’être en train de perdre… Et si j’ai bien compris, c’est plus tard, lorsqu’ils on compris, qu’est venu justement le sentiment de trahison.

(=> NB : tous propos sous réserves, ce ne sont pas mes opinions mais ce que j’ai entendu à la radio et qui plus est d’une oreille qu’à moitié attentive alors veuillez excuser les éventuelles inexactitudes !)

De là la Dolchstoßlegende, la légende du coup de poignard dans le dos, qui culmina par le traité de Versailles ressenti comme une grande injustice par tous les partis, qu’ils soient de gauche, centristes ou nationalistes. Dès lors, la porte était ouverte à toutes les aventures pour réparer l’avanie de ce traité léonin…

Ce sentiment de trahison, que dans nos cours d’histoire nous avons appris sous l’appellation de « légende du coup de poignard dans le dos » a tout de même une origine bien concrète. Si l’armistice a pu être signé le 11 novembre (certes par Ebert, le proclamateur de la république de Weimar), c’est quand même bien parce que le 9 novembre ( le premier de ces 9 novembre qui ont jalonné l’histoire allemande du 20ème siècle), l’Empereur Guillaume II, qui avait été à l’initiative de la guerre avait … abdiqué ! Donc oui, il est vrai que pas une troupe étrangère n’avait « foulé le sol allemand » à la date du 11 novembre 1918 mais de là à dire que l’armée allemande était en position de gagner la guerre… Et tous les politiques le savaient !

Cela dit, il et vrai que la propagande battait son plein (comme dans n’importe quel pays belligérant)et qu’une grande partie de la population ignorait la gravité de la situation. Par ailleurs, l’on ne doit pas sous-estimer le fait que la révolution allemande de 1918 touchait essentiellement les villes.

Enfin, il me semble que la fameuse « Dolchstosslegende » (je me suis toujours demandée si les élèves allemands apprenaient aussi ce concept historique ou si c’était une invention pédagogique française: je parle du mot « Dolchstosslegende », bien entendu) s’est développée APRES la signature du traité de Versailles, qui était une véritable humiliation pour l’Allemagne et a été très largement admise à partir de la crise de 1923. En 1918, tout le monde était impatient que la guerre se termine !

En vous lisant, je me suis dit que nous pourrions mener un débat sans fin sur le pour et contre une institution comme la commémoration du 11 novembre.

Je suis né en 1961, en Allemagne. Mon grand-père est né dans l’Empire, mon père dans la République de Weimar – et il a grandi au 3ème Reich – quant à moi, je suis né en République Fédérale, et ma fille dans l’Allemagne réunifiée.

A chaque changement de génération, il y eut une autre, une nouvelle définition de la nation, du citoyen, du sujet, peut-être même de l’Homme pour certains. De plus, regardé de près, chaque changement de génération correspond à une crise, économique, politique, guerrière, une coupure nette.

De père en fils, nous avons souvent l’impression de provenir non pas d’horizons, mais de mondes si différents que seuls les comptes rendus historiques peuvent nous aider à bâtir des ponts. Ce qui est une approche quand même très pragmatique.

Pour moi, le 11 novembre a commencé à avoir une signification réelle quand je vivais en France. Je l’ai aperçu comme un élément parmi d’autres jouant un rôle important dans l’identité des Français, qui vivent dans un pays qui a connu infiniment plus de continuité que l’Allemagne. Ce qui ne veut pas dire qu’une commémoration institutionnalisée ne peut être dépoussiérée, voire remise en question.

Pas impossible qu’un héritage d’un tout autre genre se manifeste aujourd’hui d’une manière inattendue. J’ai du mal à le croire, mais ne trouve pas cela absurde : le 11 novembre à 11 heures 11, les conseils des 11 fait démarrer la période du carnaval, censé renverser symboliquement l’ordre en place.

Le chiffre 11, elf, aurait son origine dans la Révolution Française et son idéal de l’Egalite-Liberté-Fraternité, ELF, à une époque où les citoyens étaient dépossédés de leurs droits. Les premiers conseils des onze se seraient formés à l’époque napoléonienne, comme une forme subtile de résistance à l’occupant, qui dictait un ordre à lui à un continent entier, et aux peuples qui y vivaient.

Napoléon n’est pas un héros pour les Allemands. Les perceptions des évènements, des personnes, des institutions sont différentes d’un pays, mais aussi d’une génération à l’autre.

Napoléon n’est pas non plus un héros pour moi, c’était un homme à l’égo démesuré qui a envoyé des milliers de soldats au casse pipe pour rien :angry: . je conçoit parfaitement que d’autres pays pensent comme moi, et enFrance je suis surement pas la seule à ressentir ça.
le 11 novembre c’est normal qu’il soit vécu différement d’un pays à l’autre aussi. Est ce qu’on fête nos défaites? non. donc c’est normal que l’Allemagne ne le fête pas. et puis cette fichue guerre a préparé le terrain a des tas de chosespar la suite…
la guerre c’est moche, il ne faut pas oublier pour que ça ne recommence jamais. J’imagine que ça a dû être difficile Rolph d’avoir tant de changements d’une génération à l’autre, ça ne doit pas aider à s’adapter et à accepter les différentes faon de voir les choses.

Oui et non. Je partage ton opinion sur Napoléon, il n’était pas un héros. Mais il fait quand même figure de « grand Français ». Et non, je ne souffre pas des fossés entre les générations. D’autant plus que j’ai eu la chance de voir des alternatives à la vie familiale allemande, notamment en France.

Le rapport entre la génération de mes parents et la mienne est certes particulier, mais ça ne m’oblige pas à faire pareil. Ma fille et moi sommes très proches par exemple, et je suis en mesure de lui expliquer les différences entre la RFA de mon enfance et celle d’aujourd’hui.

Il y a quelques mois, lors d’un séjour en Bavière, j’ai eu l’occasion de faire une virée en République Tchèque, juste avant que les accords de Schengen n’entrent en vigueur pour elle. Comme ça, la gamine a pu voir un « vrai » contrôle des pièces d’identité à la frontière (comme elle est petite, c’était une vraie aventure !) nous avons dû changer un peu d’argent pour pouvoir nous débrouiller. Je pense que là il s’agit plutôt d’une évolution, plus douce, plus continue et surtout mieux connue et mieux communiquée que les sauts quantiques du passé. Aussi la réunification s’est passée sans heurt véritable à l’Ouest, pour la population au moins. Les idéaux de ma génération et ceux de nos enfants ne sont pas en contradiction.

c’est bien d’avoir réussi à passer outre comme ça et de le prendre plus comme quelque chose d’enrichissant que comme un « handicap », c’est trop fort comme terme mais j’en ai pas d’autre. c’est bien pour ta fille de pouvoir lui expliquer tout ça, pour qu’elle puisse comprendre. l’avantage qu’on a en france en effet c’est que les évolutions ont été douces. l’ami chez qui j’ai été à Berlin ne m’a pas parlé de ces écarts de génération, mais ça a dû lui faire la même chose, ses grands pères ont participés à la seconde guerre, et ses parents sont nés vers la fin de cette dernière, ils l’ont eu assez tard. Cela n’empeche pas qu’ils s’entendent très bien mais j’ai pu constater qu’il y avait des choses à l’heure actuelle qu’ils ne comprennaient pas… comme tout le monde en fait :laughing: .

concernant Napoléon : quand j’étais à l’école primaire, notre instituteur nous le présentait comme un héros, non pour ses conquêtes extérieures mais parce que selon lui, Napoléon avait sauvé la France du retour à la monarchie :open_mouth: Ce n’est que bien plus tard que les guerres napoléonniennes me sont apparues dans toute leur dimension conquérante. En ce sens, je pense qu’en France, Napoléon n’est pas forcément un héros apprécié (et puis, il a quand même fini par être evincé du pouvoir, ce qui en fait quand même un peu un « looser ») mais il est souvent considéré comme un homme d’état qui a marqué l’histoire de France.

Concernant ta remarque sur les différents régimes politiques sous lesquels les différentes générations allemandes ont traversé le vingtième siècle, je te remercie d’avoir attiré notre attention sur ce point, Rolph. C’est tellement évident et pourtant, personnellement, je n’avais jamais pensé à considérer les choses sous cet angle. :blush:

On parle souvent des difficultés que peuvent avoir les Allemands depuis la dictature nazie. Mais de fait, dans cette nation, récente qui plus est, la transmission de la notion même de nation n’a pas pu être la même d’une génération à l’autre, même avant l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Et ce, pas seulement à l’intérieur des familles mais aussi en politique, à l’école, dans les médias (la presse en premier lieu), en sciences de l’histoire. Depuis 1870, tous les 20 à 30 ans, c’est une nouvelle conception de la nation et de l’identité nationale qui apparaissait, qui devait revendiquer sa légitimité, s’imposer dans la population avant d’être balayée par la suivante.

Ce qui n’est pratiquement plus le cas de la France où l’on débat certes beaucoup sur des sujets constitutifs de l’histoire de la Nation France (laïcité et religions, colonialisme, histoire de l’esclavage, devoir de repentance ou non, centralisme…,) mais où la notion de république une et indivisible, se substituant à celle d’un royaume centraliste dont les limites étaient déjà stables, n’est contestée par personne.

nous ça a quasiment pas bougé. En Allemagne j’ai pu remarquer qu’ils avaient parfois peur d’assumer le fait d’être fiers de leur pays, vu ce qui a pu se passer. Mon ami berlinois a bien un drapeau chez lui par exemple, il l’a sorti pendant la coupe du monde ou l’euro foot mais après fini, comme si il risquait de passer pour un nationaliste dans le sens négatif du terme. et le 1er coup qu’on s’était vu il a eu du mal à me dire franco qu’il était allemand, comme je lui ai dit « et alors? il n’y a aucune honte, au contraire. j’ai pas honte d’être française moi », des choses qu’on ne ressent pas chez nous, ni en suisse où j’ai pu faire la comparaison. je trouve ça dommage, jespère que ça évoluera dans le bon sens.

Je ne suis pas certaine qu’il faille caricaturer non plus les choses ! Je n’ai pas de drapeau français chez moi et je ne sais pas trop ce que c’est qu’être nationaliste au sens positif du terme ! :confused:

Je n’ai pas de problèmes avec le fait d’être Française mais je n’en suis pas particulièrement fière non plus. Surtout quand, vis à vis de mes amis étrangers, je me retrouve « mise en cause » pour des choses que je ne cautionne pas !

J’aime la langue que je parle, j’aime ma famille, mes amis , mes voisins (un peu moins, quand même, je me sens bien là ou je vis mais de là à en ressentir de la fierté, non.