Auriez-vous crié Heil Hitler ?

LALILOU a dit : « les Pirates de l’Edelweiss n’ont pas été baptisés ainsi par les nazis, mais par eux-mêmes, par dérision par rapport à l’amour affiché d’Hitler pour les edelweiss ».

Bonjour LALILOU, je suis sur qu’au-delà des questions de sémantique nous serons, au final, d’accord sur l’essentiel.
Tu as raison sur le nom des « Pirates ». J’aurais du être plus précis dans mon explication. Les « Pirates » ont effectivement choisi leur nom, comme tu l’expliques : ce que je voulais dire c’est que les nazis ont appliqué ce terme de façon générique à tous les groupes de jeunes rebelles (comme ils l’ont fait pour « L’Orchestre rouge » envers les réseaux qu’ils croyaient - faussement - pilotés par l’URSS) alors que ceux-ci étaient très divers et ressortaient plus d’un mouvement générationnel internationnal (comme tu l’as indiqué dans un précédent message) que d’un vaste « gang » comme la Gestapo voulait le faire croire (criminaliser toute forme d’opposition faisait partie de la stratégie répressive des nazis). Et comme pour l’Orchestre rouge et bien d’autres, l’histoire officielle a longtemps emboité le pas aux nazis pour raconter l’histoire de la résistance, sans vérifier leurs dires (il faut dire que le personnel universitaire, juridique, policier, etc., du IIIe Reich est resté en place dans la RFA jusqu’à la fin des années soixante…). La Rose blanche fait exception car l’histoire de ces jeunes a immédiatement été connue par les Alliés et par l’opposition conservatrice qui s’est empressée de les héroïser au détriment des dizaines de milliers de morts de la résistance communiste et populaire (ce qui ne retire rien au courage extraordinaire dont ont fait preuve les jeunes Scholl et leurs amis).
François.

en fait nous sommes d’accord.
je ne pense pas que les faits d’armes de la résistance communiste en France ait été minorée. En Allemagne (RFA) je ne sais pas. L’ombre de la RDA a du lourdement peser.
On a parlé dans un autre post des tabous des allemands, une vision manichéenne de la RDA en fait partie.

En RFA la résistance communiste a été occultée - en tout cas pour ce qui est du grand public - jusqu’en 1968. On était en pleine guerre froide et les universitaires de la RFA estimaient qu’on ne pouvait considérer les partisans de la dictature stalinienne comme des résistants à la dictature hitlérienne. Le premier grand livre publié après la guerre par un historien allemand sur la résistance à Hitler a été celui de Hans Rothfels, historien d’origine juive obligé de se réfugier aux USA en 1935 : The German Opposition to Hitler, Henry Regnery, Chicago, 1962. Son livre ignore purement et simplement la résistance communiste.
Un parti-pris politique - et tout a fait anti-historique - a fait que certains groupes - outre les communistes et les groupes d’extrême gauche - ont été écartés de la mémoire de la résistance au prétexte que leurs motivations ne correspondaient pas aux « valeurs » de la RFA : les déserteurs et les réseaux de renseignements parce qu’ils avaient « trahi », les Edelweisspiraten parce qu’ils étaient des délinquants, les Témoins de Jéhovah parce qu’ils étaient une secte, etc.
Tout ceci pose la question complexe (il m’a fallu un chapitre entier pour en faire le tour) de savoir quels critères définissent la résistance, étant entendu qu’elle suppose a minima une désobéissance (mais désobéir ne signifie pas forcément résister) : l’intention qu’on a ? le risque qu’on prend ? l’efficacité de l’action ?
Je vous propose un test.
Voici quelques exemples de désobéissances : refuser de saluer le bras levé, trafiquer au marché noir, déserter, écrire des graffitis antinazis, saboter des véhicules militaires, cacher des Juifs, renseigner les Alliés, distribuer des tracts antinazis, refuser d’enlever le crucifix dans sa salle de classe, écouter la BBC, refuser de pavoiser sa maison avec un drapeau nazi, refuser de donner aux quêtes de la SA, sècher la HJ, s’exiler, s’auto-mutiler pour ne pas partir au front, entretenir une liaison homosexuelle, donner à manger à un déporté, envoyer des lettres anonymes antinazies, refuser de brûler un village russe, pratiquer un avortement, etc., etc. (n’hésitez pas à en ajouter). Demandez-vous quels sont ceux que vous qualifieriez d’actes de résistance et ceux que vous auriez été capables de commettre (après avoir réfléchi aux conséquences possibles) ?
Bonne réflexion.
François.

vous allez chercher loin un truc que moi je trouve tout près…
pour moi un résistant… c’est quelqu’un qui s’est reconnu dans ce texte là .

Le chant des partisans
[b]
Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ?
Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c’est l’alarme.
Ce soir l’ennemi connaîtra le prix du sang et les larmes.

Montez de la mine, descendez des collines, camarades !
Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades.
Ohé, les tueurs à la balle et au couteau, tuez vite !
Ohé, saboteur, attention à ton fardeau : dynamite…

C’est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères.
La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère.
Il y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves.
Ici, nous, vois-tu, nous on marche et nous on tue, nous on crève…

Ici chacun sait ce qu’il veut, ce qu’il fait quand il passe.
Ami, si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place.
Demain du sang noir sèchera au grand soleil sur les routes.
Chantez, compagnons, dans la nuit la Liberté nous écoute…

Ami, entends-tu ces cris sourds du pays qu’on enchaîne ?
Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?[/b]

après… petit acte ou grand acte… cela n’a pas d’importance…
il faut des minuscules gouttes d’eau pour faire des océans…

bonjour,

le mois dernier un allemand de 75 ans me racontait pour quelle raison son grand-père a passé 4 semaines en camp.

Par une soirée d’été, une adolescente membre des BDM rentre à la maison fière d’avoir été nommée cheffe du groupe, en guise de cadeau elle reçoit un cadre avec une photo du Führer. Le père rentre après une journée de travail, aperçoit le portrait trônant au milieu de la pièce principale, se dispute avec sa fille à propos du cadre et jette celui-ci par la fenêtre.
Dans la rue, des nazis sont témoins de la scène, relèvent l’adresse et reviennent plus tard accompagnés de la Gestapo.
C’est un notable de la ville qui a réussi a faire sortir le grand-père du camp, se portant garant de sa moralité et insistant sur le fait qu’il s’agissait d’un accident : le cadre, placé sur le rebord de la fenêtre était tombé tout seul.
L’adolescente fut « déçue » de l’attitude des troupes du Führer et devint septique quant au projet politique.
Désobéissace ? Résistance ? Dans tous les cas la sanction est tombée.

C’est un bon exercice que ce test, dès lors qu’on est près à laisser de côté quelques clichés ou à entrevoir la face « sombre » d’une même action.
Concernant le marché noir, j’aime beaucoup les personnages développés par A. Döblin dans le roman historique Novembre 1918 (désolée pour le HS historique), s’il y a désobéissance, il n’y a en aucun cas résistance, bien au contraire…

bonne journée

Je réponds à une demande privée de revenir sur la popularité de Hitler et de son régime.
Auparavant je voudrais rappeler - au risque de me répéter - que mes interventions sur ce forum ne sont que des synthéses de nombreux travaux d’historiens. Si certains d’entre vous souhaitent que je leur indique des sources ou des ouvrages à lire, ils peuvent me le demander directement.

Comment évaluer la popularité d’un dictateur dans un pays où l’on est obligé à tout instant de témoigner de son « adhésion enthousiaste » au régime, sous peine du pire ?
A la suite d’autres historiens et sociologues je me suis livré à des calculs compliqués en croisant des données telles que le nombre d’abonnés aux journaux nazis les plus radicaux, le niveau de l’épargne, les mentions sur les faire-parts, les enquêtes d’opinion menées respectivement par le SD nazi et la Sopade social-démocrate, ou encore le nombre de cadres des organisations nazies (et non le nombre d’adhérents puisqu’il était obligatoire dans maintes situation d’adhérer au NSDAP, à la HJ, au DAF, etc.). En voici le résultat.
Avant la guerre le IIIe Reich a compté de 51 à 58 millions d’adultes (au sens actuel du terme), leur nombre augmentant avec l’intégration de la Sarre, de l’Autriche, des Sudètes, etc.
Les chiffres proposés ci-après ne concernent que la période 1933 - 1939 et il faut encore préciser que la popularité de Hitler a toujours été supérieure à celle de son régime.
On peut évaluer le nombre d’activistes nazis entre 2 et 2.5 millions, soit environ 4% de la population adulte.
Ces 4% faisaient parti d’un ensemble plus large de personnes soutenant à peu près inconditionnellement le régime et qui ont représenté selon les périodes de 25% à 30% des adultes.
A l’autre extrémité une frange estimée à 20% est toujours demeurée hostile en toutes circonstances.
Entre les « soutiens » et les « hostiles » se trouvait la majorité fluctuante des « suiveurs ». Les « suiveurs » appréciaient globalement le retour à « l’ordre », la baisse du chômage et la restauration de la fierté nationale. Ils contestaient la politique d’austérité, la corruption, les persécutions anti-religieuses et les violences antisémites. A partir de 1939, le risque de guerre est devenu leur préoccupation n°1.
La popularité du Führer et de son régime ont effectué un constant mouvement de yoyo entre 1933 et 1939. En résumé, chaque « reconquête » pacifique de territoires (Sarre, Rhénanie, Autriche, Sudètes…) provoquait une hausse puis, aussitôt après venait la retombée sous l’effet des éléments négatifs que j’ai énumérés plus haut.
A partir de la guerre (dont la majorité des Allemands ne voulait à aucun prix) la courbe épouse chaque succès militaire (Pologne, France, Balkans, Lybie, Barbarossa…) mais rechute aussitôt car les Allemands sont terrifiés de se voir entraînés dans une nouvelle guerre mondiale. Avec l’échec de la Blitzkrieg contre l’URSS (hiver 1941) l’hostilité (muette) envers Hitler et le Reich devient majoritaire. Après Stalingrad le régime ne se maintient plus que par la terreur.
On est loin d’un peuple allemand unanime derrière son Führer comme voulait le faire croire dans un même ensemble la propagande nazie et celle des Alliés.
François.

envie de comprendre un peu plus, n’hésitez pas à visiter cet été " Vogelsang Eifel"
vous pourrez voir la piscine un peu art déco qui vient de réouvrir
bon voyage dans le temps

vogelsang-ip.de/passe.htm

Je poursuis ici une discussion entamée en privé avec LALILOU sur la question de savoir « qui résiste et pourquoi ? ».
Voici un résumé très sommaire des résultats de mon étude qui concerne exclusivement les Allemands sous le IIIe Reich mais qui est transposable (cf les travaux de Stanley Milgram, Michel Terestchenko, etc.).
Tout d’abord il faut affirmer haut et fort qu’il n’y a pas de déterminisme : certains que rien ne semblait prédisposer à résister ont tout risqué pour rester fidèles à leurs convictions intimes et d’autres dont le bagage politique ou religieux paraissait incompatible avec le national-socialisme se sont soumis bien au-delà de ce à quoi ils étaient obligés.
Ceci dit, quelques grands dénominateurs communs se retrouvent dans les parcours des dizaines de résistants de l’intérieur (la résistance en exil est une autre problématique) dont j’ai étudié les biographies :

  • La première génération des résistants vient presque exclusivement des groupes déjà opposés au nazisme avant son arrivée au pouvoir : parti communiste, extrême gauche et social démocratie. Elle agit principalement par de la contre propagande dans les milieux de gauche et dans les usines.

  • Une fois leurs organisations détruites (1936), les survivants de ces groupes sont rejoints par des individus de toutes origines sociales et politiques qui réagissent aux agressions du régime (l’embrigadement, les persécutions antisémites, la marche à la guerre, etc.) ainsi que par des groupes de jeunes catholiques (et de protestants dans une moindre mesure) révoltés par la politique antireligieuse. Cette résistance « populaire » revêt des formes d’action très diverses allant de l’évitement au sabotage en passant par l’aide aux persécutés.

  • À partir de la guerre, la résistance devient beaucoup plus difficile et dangereuse. Elle perdure néanmoins - notamment dans les usines - et se développe progressivement sous forme de désertions et de propagande « défaitiste » au sein de la Wehrmacht à partir de l’hiver 1941.

    Que ce soit au sein de groupes préalablement constitués ou non, la résistance est d’abord une affaire d’engagement individuel.
    Outre l’adhésion et la pratique d’un système de valeurs incompatible avec le nazisme (marxisme, anarchisme, internationalisme, pacifisme, christianisme, humanisme…) deux grandes caractéristiques se retrouvent chez la plupart (pas tous !) des résistants :

  • La jeunesse : le profil-type du résistant est d’être jeune (homme ou femme) et sans attaches familiales ou matérielles, ce qui donne moins de prise à la répression.

  • L’éducation par l’exemple : avant de s’engager, les jeunes résistants ont souvent vu des adultes de leur entourage faire preuve de courage pour refuser d’agir à l’encontre de leurs convictions, ce qui les a préservés du « conformisme de groupe ».

             Il faut enfin souligner l'importance des circonstances pour les individus isolés : beaucoup d’entrées en résistance se font en réaction à une agression vécue comme intolérable : mort d’un parent ou d’un ami, mise en danger d’un proche, assister à une scène de cruauté, devoir participer à un acte incompatible avec son "estime de soi", etc. Oscar Schindler, un des résistants les plus célèbres – et pourtant un authentique nazi – en est un bon exemple.
    

François.

Pour terminer mes interventions sur ce forum je voudrais encourager ceux qui cherchent à comprendre ce qui s’est passé en Allemagne entre 1918 et 1945 à approfondir leur réflexion et à ne pas se contenter d’affirmations péremptoires ou de « on dit » qu’ils n’auraient pas vérifiés par eux-mêmes, c’est-à-dire à se plonger dans les ouvrages de référence sur le sujet.
Cependant, me direz-vous, pourquoi lire encore des livres sur l’expérience nazie ? N’en parle-t-on pas trop déjà, comme je l’ai vu dire ici et là sur ce site ?
Tout d’abord, l’objet de ces forums étant l’amitié franco-allemande, la connaissance réciproque des histoires des deux peuples y a sa place légitime : on aime bien que ce qu’on connait. Or la « catastrophe allemande » de 1933-1945 est si présente dans le subconscient collectif des Allemands comme de leurs interlocuteurs, qu’il serait absurde d’en faire un tabou, comme ces « secrets de famille » que tout le monde connait mais dont personne ne veut parler.
Mais il y a plus. L’expérience nazie a une valeur universelle et, comme l’affirme Ian Kershaw, le plus grand historien de la période, toute société moderne en crise peut être tentée par la voie du fascisme radical. La compréhension des évènements qui ont conduit à la chute de la république de Weimar et à l’avènement du Reich nazi est donc une clé indispensable pour comprendre les enjeux d’aujourd’hui, à l’heure où se profile une crise telle que le monde moderne n’en a encore jamais connue. Comprendre aussi pourquoi et comment Hitler et son régime parvinrent en définitive à obtenir le consentement – même partiel, même par défaut – d’une majorité d’Allemands, vaut la peine qu’on y réfléchisse.
Voici donc une sélection minimale tirée de la bibliographie de mon livre (qui comprend 300 titres).

1)Histoire générale du nazisme.
Je ne vois pas mieux que le monumental « Hitler » de Ian Kershaw qui retrace l’histoire du national-socialisme et de l’Allemagne de la fin du XIXème siècle à 1945 à travers la vie du Führer nazi. Un ouvrage précis et sans aucune concession au mythe.
Kershaw (Ian), Hitler,(deux tomes) traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat, Flammarion, édition revue, Paris, 2001.

2)Le nazisme « vu d’en bas ».
Outre mon propre livre dont j’ai suffisamment parlé, je conseille l’étude palpitante réalisée par William S. Allen sur une petite ville de Basse-Saxe.
Allen (William S.), Une petite ville nazie, traduit de l’américain par Renée Rosenthal, 10/18, Robert Laffont, coll. « Bibliothèques », Paris, 1967.

3)Témoignages.
Parmi les 250 témoignages que j’ai utilisés dans mon étude je vous en propose huit qui correspondent à trois critères : avoir été écrits au jour le jour, par des sujets du Reich, et sans intention d’être publiés. J’ai volontairement sélectionné des carnets et des correspondances assez peu connus.

       [b]Andreas-Friedrich (Ruth), À Berlin sous les nazis. Une Allemande contre Hitler, traduit de l’allemand par Christian-Sylvain Richard, Flammarion, Paris, 1966.[/b] Ce journal intime qui couvre la période 1938 – 1945 témoigne de la situation des antinazis « apolitiques » sous la dictature. Journaliste, Ruth Andrés-Friedrich a été la principale animatrice du réseau berlinois d’aide aux Juifs, « Oncle Emil ».

       [b]Dernières lettres de Stalingrad, traduit de l’allemand par Charles Billy, Buchet/Chastel, Paris, 1988[/b]. Goebbels aurait voulu publier à des fins de propagande les dernières lettres parties de Stalingrad assiégée. A leur lecture, il y renonça vite et on comprend pourquoi. Ces courriers poignants battent en brèche l’idée d’une Wehrmacht totalement fanatisée, alors même qu’il est admis que l’armée engagée en URSS était de loin la plus hitlérienne des armées du Reich.
 
                   [b]Kardorff (Ursula von), Le Carrousel de la peur. Journal d’une Berlinoise (1942-1945), traduit de l’allemand par Vera Kornicker, Bernard Grasset éditeur, Paris, 1964.[/b] Jeune femme issue de la « jeunesse dorée », Ursula von Kardorff a voté nazi en 1932 comme la plupart des membres de sa classe sociale. L’influence d’une de ses amies impliquée dans la résistance puis la mort de son frère en URSS en 1942 changent son regard sur le régime. Son journal témoigne de la « double contrainte » subie par les opposants pris entre la solidarité nationale face aux « bombardeurs » et la haine croissante envers le régime nazi.

       [b]Maier (Ruth), Le Journal de Ruth Maier. De 1933 à 1942, une jeune fille face à la terreur nazie, commenté par Jan Erik Vold, K & B Éditeurs, Paris, 2009.[/b] Adolescente vivant au sein de la bourgeoisie juive de Vienne, Ruth s’exile en Norvège avant d’être rattrapée par la guerre et déportée à Auschwitz, où elle meurt. Son journal témoigne de l’incrédulité des Juifs et de leur impuissance devant la nasse qui se referme peu à peu. 

      [b]Mann (Klaus), Journal. Les années brunes. 1931-1936, choix et traduction de l’allemand par Pierre-François Kaempf, Grasset, Paris, 1996. Mann (Klaus), Journal. Les années d’exil. 1937-1949, choix et traduction de l’allemand par Pierre-François Kaempf, Grasset, Paris, 1998.[/b] 

Au moment de l’ascension électorale de Hitler, Klaus Mann, fils de Thomas, est un jeune dandy homosexuel. Viscéralement antinazi, il s’effare du ralliement rapide de « l’élite intellectuelle » au national-socialisme. En 1937 il quitte l’Allemagne, participe à l’opposition en exil puis s’engage dans l’armée américaine en 1942. Le récit de sa rencontre avec Hitler dans une brasserie avant la prise de pouvoir ou sa description de l’US Army « plus raciste que les nazis » sont des pages d’anthologie.

     [b]Razumovsky (Maria, Daria et Olga), Nos journaux cachés (1938-1944), traduit de l’allemand par Chantal Le Brun Keris et Catherine Vacherat, Éditions noir sur blanc, Paris, 2004. [/b]Les soeurs Razumovsky, de nationalité autrichienne, vivent dans la région des Sudètes. Après la conférence de Munich et le rattachement des Sudètes au Reich, elles apprennent qu’elles sont métis au regard des lois de Nuremberg. Leur journal à « six mains » témoigne du quotidien de l’Allemagne en guerre vu à travers les yeux de trois adolescentes.  

    [b]Scholl (Hans et Sophie), Lettres et carnets, traduit de l’allemand par Pierre-Emmanuel Dauzat, Tallandier, Paris, 2008.[/b] Avant de devenir des héros de la Résistance, Hans et Sophie Scholl auront été des jeunes gens ordinaires : enthousiasmés dans un premier temps par la promesse de renaissance de l’Allemagne et membres des jeunesses hitlériennes, ils réalisent peu à peu la vraie nature du régime. Superbement traduits par P.E Dauzat, leurs lettres – bien que prudentes à cause de la censure – témoignent du difficile quotidien des étudiants et leurs carnets de leur évolution vers la résistance et le sacrifice.

   [b]Vassiltchikov (« Missie »), Journal d’une jeune fille russe à Berlin (1940-1945), traduit de l’anglais par Anne-Marie Jarriges et Anne Guibard, Phébus libretto, Paris, 2007.[/b] D’origine russe, « Missie », dont la famille a fui l’URSS, travaille au ministère des Affaires étrangères à Berlin. De par son travail et son appartenance à l’aristocratie, elle est proche des jeunes officiers qui tenteront d’abattre Hitler en juillet 1944. Ses relations de la vie quotidienne à Berlin sous les bombes et de la période de répression qui suit le putsch manqué sont poignantes.

J’aurais pu, bien entendu, citer des dizaines d’autres carnets et correspondances ainsi que des « mémoires » très intéressants (Sebastian Haffner, Edith Hanh-Beer, Melita Maschmann, etc.)  Mais il faut bien se fixer une limite. Je reste à la disposition de ceux qui souhaiteraient aller plus loin et qui peuvent me contacter par message privé. Bonnes lectures, François.

Merci beaucoup François or ce débat passionnant, je me suis rendu compte que j’avais une vision assez erronée de la question.

Maintenant, sur la question de notre hypothétique comportement à l’époque, vous proposez ce test:

Je pense qu’il ne faut pas remonter aussi loin pour savoir quelle attitude nous aurions adopté. Il y a des exemples très actuels. Imaginez-vous que quelqu’un se fasse agresser devant vos yeux par un mec dans une gare ou un train. On ne sait pas si il est armé mais il a peut-être un couteau planqué quelque part. Quelle est votre réaction (sachant qu’appeler la police ne servira pas à grand chose, tabasser quelqu’un et prendre la fuite ne prenant pas plus de 2-3 minutes)? Voilà vous savez ce que vous auriez fait pendant la nuit de cristal.

Nous sommes tout à fait d’accord, Solal, d’autant qu’au moment de la Nuit de cristal, la loi, et donc la police, sont passées du côté des agresseurs. C’est une des leçons de l’expérience nazie : une fois les « droits démocratiques » et « l’état de droit » supprimés - tout imparfait qu’ils soient - la résistance est condamnée à la clandestinité. Des centaines de milliers d’Allemands (entre 700 000 et un million selon les estimations) ont néanmoins résisté, sans moyens et au risque de leur vie. Pourquoi et comment ? C’est cette question qui m’a fasciné.
François.

Sur ce sujet très intéressant je voulais juste rajouter un titre de bouquin que j’ai bien aimé : Seul dans Berlin (Jeder stribt für sich allein) de Hans Fallada - folio. C’est un roman mais basé sur une histoire vraie. Un exemple de résistance anti-nazie « minimaliste » mais ayant conduit pourtant au pire pour les auteurs de ces actions. Je trouve qu’en lisant ce livre on apprend beaucoup de choses sur ce que devait être la vie quotidienne dans un tel régime.

C’est exact, djoss : ce roman est inspiré de faits authentiques. Elise et Otto Hampel, qui servirent de modèle aux Quangel du roman de Fallada, furent exécutés le 8 avril 1943. Ils avaient diffusé environ 200 cartes et tracts dans Berlin. Un autre roman de Fallada, « Quoi de neuf petit homme », décrit très bien la montée du nazisme du point de vue des classes populaires. L’histoire de Hans Fallada lui-même est intéressante : antinazi déclaré, il n’émigre pas en 1933 mais se retire dans le Mecklembourg et connaît une période d’intense production littéraire. Il publie après la guerre son roman Seul dans Berlin, « un des plus beaux livres sur la résistance allemande antinazie », selon
Primo Levi, et meurt à Berlin, en 1947.
François.

Je relève cette « réflexion » sur un autre forum à propos de la discrète commémoration par l’Allemagne des victimes de l’un des nombreux massacres commis en Tchécoslovaquie sur des civils allemands, femmes et enfants principalement, à la fin de la deuxième guerre mondiale.
De telles grossièretés doivent-elles être publiées sur un site dédié à l’amitié franco-allemande ?
En règle générale, dès que l’on dit : « les Allemands », « les Français », etc., on chausse des oeillères nationalistes et on s’interdit de réfléchir.
En ce qui concerne la fin de la seconde guerre mondiale, il faut se souvenir qu’en 1944, des centaines de milliers d’Allemands vivaient dans les pays de l’Europe orientale (Pologne, Tchecoslovaquie, Pays baltes, Roumanie, etc.), soit qu’ils aient fait partie de minorités établies là depuis des siècles, soit qu’ils y aient été installés comme « colons » par le Troisième Reich. Après l’évacuation par la Wehrmacht des régions où vivaient ces communautés, ceux qui n’avaient pas pu fuir - des vieux, des femmes et des enfants pour la plupart - furent massacrés par les autochtones, souvent dans des conditions épouvantables (il existe une abondante littérature en allemand sur ce sujet et je donne quelques exemples dans mon livre). Au total, l’exode vers le Reich concerna environ quinze millions de « Volksdeutsche » dont 500 000 périrent d’épuisement, de maladie et de mauvais traitements.
Dans l’Europe de 1945 et du procès de Nuremberg, après la découverte des camps de la mort, il n’y eut personne pour reconnaitre que des crimes barbares avaient été commis par les populations « libérées » à l’encontre de civils allemands qui n’étaient en rien responsables des atrocités commises par les SS ou par la Wehrmacht (lors de la libération de Paris, ce sont dizaines de soldats allemands prisonniers qui furent abattus sommairement par des FFI : des films en témoignent qui montrent des scènes insoutenables…). Personne non plus pour reconnaître que l’Armée rouge avait commis d’innombrables exactions (viols, crimes, destructions…) en Allemagne orientale, ni que les Anglo-américains avaient délibérément bombardé les zones d’habitation du Reich plutôt que ses industries entre 1942 et 1945 pour « briser le moral » de l’arrière…
Le refus de reconnaître les crimes de guerre commis à l’encontre de la population civile allemande explique en partie la difficulté pour la majorité des Allemands - persuadés, à juste titre, d’être victimes d’une "justice des vainqueurs - de faire leur « examen de conscience » collectif jusqu’aux années 70.
François Roux.

Que Davy-Dave ait crié Heil Hitler ou non, n’a je pense aucune importance, ne crois-tu pas :wink:
Par contre sur le problème sur le fond du problème. J’avoue, il m’est difficile de suivre un fil de conversation tellement riche du début à la fin. Je prend le train en route et m’arrète en chemin.
Alors je voudrais te poser une question, et désolée s’il s’agit de redites et de redites
J’aimerais connaître ta réponse de personne avisée et aussi d’autres témoignages, sur ce site, il y en a certainement.
Alors penses-tu que les soldats de la LVF aient crié « Heil Hitler »
Ces soldats français, luttant contre le bolchévisme qui ont été envoyés sur le front russe, à leur grande surprise, en uniforme allemand. Le peu qui en sont revenus, ont été détestés de tous, un peu comme les Arquis non ??? Puis par la suite nombre de ces rescapés se sont engagés dans la Légion Étrangère et ont aussi réintégré l’Armée française, en Indochine et/ou en Algérie.

Difficile à suivre surtout si l’on est à cheval sur deux fils, Valdok ! :vamp: (C’est un peu la faute de François, qui a posté son message sur deux fils différents).
Les soldats de la LVF, comme le nom l’indique, n’ont pas été surpris : ils ont endossé l’uniforme allemand de plein gré (l’uniforme allemand en jetait plus que l’uniforme français, d’ailleurs, et les affiches de propagande faisaient bien ressortir cet aspect), et où combattre le bolchevisme, ailleurs qu’à son berceau ? :mrgreen:
J’ai l’impression que pour la surprise, tu confonds avec les soldats de pays annexés, « malgré-nous » alsaciens-mosellans comme mon père ou ayant subi le contrecoup du retournement d’alliance comme mon beau-père, qui se sont retrouvés sous l’uniforme de la Wehrmacht et embarqués dans une aventure qui a divisé les familles et les villages pendant plusieurs générations.

Par ailleurs, je trouve que déterrer l’intervention d’un provocateur n’est pas tellement une bonne idée, entre nous soit dit.

Valdok fait une confusion … ou peut être pas.

J’ai lu le « Volontaires français sous l’uniforme allemand » de Pierre Giolitto.
Au sujet de la LVF et autres auxilliaires français qui rêvaient d’une place pour la France dans une grande Europe brune.
Je ne suis pas sûr du plein gré de la majorité de ces volontaires pour prendre l’uniforme allemand.

Leur grand problème a été le suivant … ils voulaient prendre des responsabilités dans leur
‹ croisade contre le bolchevisme ›, et même se battre en tant que français au côté des allemands,
mais les allemands n’ont jamais voulu leur donner les responsabilités et les engager
(Pas de volontaires étrangers sur le front allemand contre les russes).

Au niveau politique, entre Vichy et Berlin,
des collaborateurs influents ont négocié auprès des allemands pour que ces jeunes servent mieux
(ce qui auraient montré que la France collabore bien).
Les allemands ont dit oui, mais sous uniforme allemand, et après serment.
Au final, cela s’est bien passé,
ces jeunes gens de la droite ultra dure ont combattu sous l’uniforme allemand,
et après serment à Hitler (en fait comme tous les soldats de la Wehrmacht).

Je ne sais pas si ils ont crié le Heil hitler mais je pense que oui au vu des détails ci dessus.
Le seul refus a été pour certains au niveau de l’uniforme.
Le livre explique que le port de l’uniforme allemand a été mal pris par certains (une minorité)
qui étaient donc de l’ultra droite, mais français et donc ont refusé l’uniforme allemand.

Wilfried et Andergassen, merci de ce début d’explication En fait je demandais des explications sur une histoire générale souvent laissée dans l’ombre et controversée, créant beaucoup de confusions.
Quant à l’intervention de je ne sais plus qui, vu que je me suis fait avoir 2 fois en deux jours :crazy: :crazy:,il est certain qu 'il va me falloir vérifier si le contributeur est fiable :blush:

Il y a un moyen bien simple, quand on intervient dans un fil, Val, d’éviter ces mécomptes : vérifier quand a démarré le fil, à quand remonte la dernière intervention, et se faire une idée du personnage s’il n’est pas très net en remontant l’historique de ses interventions, jusqu’à la menace de banissement ou au sabordage. C’est la technique de la course d’orientation : ne pas se lancer à l’aveuglette, prendre 5 minutes pour avoir une vue d’ensemble du terrain et du meilleur parcours qui n’est pas toujours, pour des raisons évidentes, en ligne droite (éviter les zones marécageuses, les traversées hasardeuses de cours d’eau ou des ressauts de terrain abrupts).

Merci sincèrement pour l’indication Andergassen !!! :respect: