Je voulais vous parler de cette région trop longtemps disputée et source de conflit entre la France et l’Allemagne, qui à la sortie de la 2eGM est devenue symbole de réconcilitation et de l’amitié franco-allemande, et la capitale de l’Europe…(Je vous ferais plus tard un bref historique si vous le voulez dans la partie « Histoire »).
Comme vous êtes pour beaucoup germanophones ou germanophiles, je tenais à vous évoquer le statut de la langue allemande et de sa forme régionale, alémanique appellé « dialecte alsacien » ou Elsasserditsch.
Les linguistes régionaux disent:
"Il n’existe en effet qu’une seule définition scientifiquement correcte de la langue régionale en Alsace, ce sont les dialectes alsaciens dont l’expression écrite est l’allemand
Vous trouverez une présentation détaillée de ce dialecte sur le site de l’Office de la Langue et Culture d’Alsace (OLCA) dans « Observatoire linguistique »:
olcalsace.org/
La langue allemande et sa forme dialectale sont parlés couramment depuis le Ve siècle en Alsace (il en est de même dans le nord de la Moselle, sa forme dialectale est le « francique »). Oui mais voilà la politique et les guerres sont passés par là et la langue du voisin a souvent été la « langue de l’ennemi ».
Ainsi au dernier rattachement à la France en 1945, il a été mise en place en Alsace, une politique d’éradication et de dénigrements envers la langue allemande et le dialecte alsacien par l’Etat français, à travers notamment l’Education nationale. Un sentiment de « honte » de parler la langue germanique (ramenant aux horreurs nazies), s’est développé dans la population, le français étant devenu la langue des « élites », les élèves étaient punis pour avoir parlé alsacien ou allemand, ou encore, on pouvait lire des publicités « il est chic de parler français ».
Cette politique ayant eu le succès escompté puisque bien-sûr les petits alsaciens parlent pour la plupart bien et couramment le français, mais cela a eu pour conséquence une régression continue et croissante de la pratique du dialecte et de l’allemand.
En 1946, 90% des alsaciens étaient dialectophones, en 1997 le chiffre est tombé à 63 % et en 2001 plus que 61% parlent le dialecte alsacien. Seuls 38 % des jeunes alsaciens se disent « locuteurs » dialectophones, et surtout 28 % des parents disent « transmettre plus ou moins le dialecte à leurs enfants »…à se rythme, d’ici deux générations on peut prédire la disparition du parler alémanique, vieux de 1500 ans…
Pour contrer ce déclin, des parents d’élèves ont, dans les années 1990, crée les premières classes bilingues français/allemand.
Aujourd’hui, près de 13 000 élèves alsaciens reçoivent pour la plupart à parité 13 heures de cours en français et 13h en allemand de la Maternelle au Lycée. Il a été crée depuis l’Abibac, un enseignement cumulé pour obtenir à la fois le Bac et l’Abitur enseigné dans 9 Lycées en Alsace.
Association de parents d’élèves
L’objectif de ce système bilingue est de maintenir le parler dialectal, la pratique de l’allemand d’un point de vue culturel et patrimonial par respect des ancêtres, et de la tradition, mais aussi afin de favoriser les échanges culturels dans la zone du Rhin supérieur (Baden-Würtemberg, Bâle). D’un point de vue économique, il s’agit de maintenir le niveau des emplois transfrontaliers et poursuivre le rôle d’intermédiaire avec les entreprises allemandes implantées sur le marché français.
Les associations restent pourtant alarmistes et pessimistes:
-Les entreprises allemandes se plaignent de ne plus trouver assez d’employés bilingues en Alsace, et les jeunes alsaciens sont de moins en moins capables d’aller travailler en Allemagne par manque de maîtrise de la langue.
-Seuls 7% des élèves alsaciens sont en classes bilingues français-allemand. Les associations de parents d’élèves doivent faire constamment pression sur le Rectorat et l’Académie de Strasbourg pour ouvrir ou maintenir des classes bilingues. Il y a un manque d’effectifs d’enseignants, manque de moyens, et d’organisation et les objectifs de la Convention Etat/Region 2000-2006 sont loin d’être atteints.
-Actuellement se prépare la future Convention 2007-2012 entre l’Etat et les collectivités locales d’Alsace pour l’enseignement. Afin de faire pression sur le Rectorat, un rassemblement des associations pour défendre le bilinguisme est prévu le 18 novembre à Strasbourg (place kleber).
D’un point de vue plus général et national, il faut préciser que la France continue de ne pas vouloir ratifier la "Charte européenne des langues régionales et minoritaires" initiée par le Conseil de l’Europe, sous prétexte de l’article 2 de la Constitution française « la langue de la République est le français » (article pourtant rajouté en 1992 par Jacques Toubon qui visait à l’origine à lutter contre l’anglicisme croissant…).
A noter que la plupart des pays voisins et fondateurs de l’Europe l’ont déjà ratifié…
L’Allemagne l’a pour sa part ratifié en 1999, concernant la langue danoise, le haut et le bas-sourabe, le frison, le bas-allemand, et le Rom.
site de la Charte
Charte ratifiée par l’Allemagne
Ce texte une fois ratifié par la France, pourrait enfin accorder un « statut » à ses langues régionales (Breton, Basque, Corse, Flamand, Occitan, Alsacien) et permettre de mieux les préserver.