Je suis content de voir que cette « trouvaille » vous plait ! Voici une autre « trouvaille » assez intéressante (vous m’en direz des nouvelles ) :
« Français-Allemands, un ménage sans curiosité, c’est ennuyeux »
(Auteur : Jutta Limbach, Le Monde, 22 janvier 2004)
Pour la présidente du Goethe Institut, organisme chargé de diffuser la langue allemande, « il nous faut concevoir un voisinage de la culture et de l’esprit ».
Berlin de notre correspondant
Professeur de droit, ex-ministre de la justice du Land de Berlin, ancienne présidente du tribunal fédéral constitutionnel, Jutta Limbach préside le conseil d’administration du Goethe Institut, organisme parapublic pour la diffusion de la culture et de la langue allemandes.
Les relations d’Etat à Etat entre la France et l’Allemagne étant excellentes, pourquoi les sociétés s’ignorent-elles ?
Nos citoyens voyagent dans chacun des deux pays, mais les relations entre nos deux peuples laissent encore à désirer. Beaucoup d’Allemands vont en France, s’installent à la plage, vont au restaurant, mais ils ont peu de contacts avec la population.
Les Français sont-ils inaccessibles ou les Allemands timides ?
Ce manque d’intérêt réciproque provient peut-être d’un trop bon voisinage. On vit bien, les uns à côté des autres, sans se poser de questions. On ne cherche plus à savoir ce qui nous différencie, ce qui est chez l’autre original et différent.
Les Français ne sont-ils pas intéressés par l’Allemagne ?
Vous nous trouvez ennuyeux. Peut-être ne savons-nous pas nous faire apprécier. Au sommet, il y a des contacts, mais à la base…
D’où l’importance de l’enseignement de la langue…
Dans tous les établissements scolaires allemands, la place du français a reculé. Et c’est vrai de la place de l’allemand en France. Notre objectif en France est de développer l’apprentissage de l’allemand, non pas comme première langue étrangère, ce qui est quasi irréalisable compte tenu de la place acquise par l’anglais, mais comme deuxième langue. Nous voulons que les Français abandonnent leur prévention à l’égard d’une langue qu’ils perçoivent comme difficile.
Par l’entremise des Instituts Goethe, nous enseignons l’allemand dans le monde entier, mais c’est avec notre voisin français que notre intérêt est le plus grand. La paix du monde et l’intérêt de l’Europe sont fondés sur ce socle d’un voisinage étroit avec la France. Surtout aujourd’hui, à la veille de l’élargissement.
Comment s’expliquer le désintérêt pour la langue de l’autre ?
Cela tient à l’essor de l’anglais. Dans les sciences, on ne communique plus qu’en anglais, dans une langue purement utilitaire. C’est d’ailleurs l’un de ses avantages : pas particulièrement esthétique, l’anglais paraît plus facile. Il faut être pragmatique. La généralisation de l’anglais est inévitable. Inutile de mener des combats d’arrière-garde pour faire revenir l’allemand ou le français à la première place. Il faut plutôt lutter pour le plurilinguisme, faire en sorte que nos langues soient bien placées en tant que deuxième langue étrangère.
Comment a évolué la « part de marché » de l’allemand ?
C’est variable selon les pays. En France, la part a baissé, comme elle a baissé en Grande-Bretagne. Mais nous augmentons en Chine, en Amérique du Sud, en Grèce. Et puis, ça marche encore bien en Europe centrale et en Europe de l’Est. Avant la chute du Mur, on y parlait allemand autant, sinon plus, qu’anglais. L’allemand a reculé quand tous ces pays ont compris que l’anglais était désormais la lingua franca. Mais ça regrimpe, notamment en Russie.
Les Français tiennent à la francophonie. L’Allemagne n’a pas ce désir de répandre sa langue.
Je pense que nous avons trop négligé ce problème, vraisemblablement parce que nous ne sommes pas assez conscients de notre propre valeur. Dans les conférences internationales, où il y a pourtant des interprètes, mes compatriotes interviennent en anglais au lieu d’utiliser leur langue maternelle. Je pense que cette discrétion renvoie à notre passé. Après 1945, évidemment, il fallait faire profil bas. Mais les temps ont changé et les Allemands doivent comprendre que l’allemand est la langue maternelle la plus parlée d’Europe : 100 millions de personnes l’utilisent. J’ai bon espoir que ce complexe sera dépassé. Cela n’a rien à voir avec le nationalisme ou la germanité.
Vous avez prévu des actions spécifiques en France.
Nous lançons une campagne en direction des écoles françaises pour montrer que les Allemands ne sont pas aussi ennuyeux qu’on le dit, que leur langue est adaptée aux sujets qui traitent du beau, du plaisir, qu’on peut avec elle développer des liens d’amitié ou d’amour.
Un ménage sans curiosité réciproque, c’est ennuyeux. Je pense qu’il nous faut concevoir un voisinage de la culture et de l’esprit, et pas seulement un voisinage de la politique et de l’économie.
Propos recueillis par Georges Marion
Source :
www.fplusd.de