Sondage: les Alsaciens et leurs voisins d'Outre-Rhin

Un sondage vient de paraître sur les relations transfrontalières Alsace-Bade-Wurtemberg/Rhénanie-Palatinat. (réalisé par l’institut Alsamètre-edinstitut- avril 2010).
Il nous démontre que l’idée d’« Euro-Région du Rhin Supérieur » semble bien loin pour une bonne minorité d’Alsaciens…
En effet, on apprend que près de 40 % d’Alsaciens interrogés ne se sont jamais rendu en Bade-Wurtemberg/Rheinland-Pflaz au cours de l’année 2009. :open_mouth:
Et pire, les raisons principales qui ont poussé les 60% autres à franchir le Rhin: les achats alimentaires ou non-alimentaires, se rendre dans des magasins d’usine, faire du shopping :confused: suivent seulement après les visites touristiques ou de thermes (32%). Et les sorties culturelles ne sont pas évoquées, nommées dans ce sondage :unamused: :confused:

Selon les sondés, les domaines à développer en terme de relations transfrontalières sont dans l’ordre: l’environnement, l’emploi-formation, développement économique, tourisme.

Cela nous montre bien que les mentalités évoluent très lentement, 15 ans après l’ouverture de la frontière franco-allemande et après 8 ans de monnaie commune, le Rhin reste une « frontière mentale » pour pas mal d’Alsaciens…et le déclin du bilinguisme « naturel » est peut-être aussi pour quelque chose…
C’est désolant de voir que le principal intérêt pour aller en BW/Rh-Pz est pûrement d’ordre commercial :frowning: …où est la curiosité de découvrir une autre culture? autre mode de vie? autre patrimoine…
Je n’ose imaginer si un jour l’Allemagne cesse d’être billiger et attractive d’un point de vue commercial, on aura quoi, 10% d’Alsaciens à franchir le Rhin? :laughing: :confused:

On pourrait aussi retourner la question et la poser outre-Rhin. Combien de Badois et de Palatins ne se sont pas rendus en Alsace en 2009, et pour ceux qui s’y sont rendus, pour quelles raisons? :mrgreen:

Je comprends tout à fait que les frontaliers franchissent la frontière uniquement pour des raisons alimentaires. Effectivement, c’est plus avantageux de faire ses courses en Allemagne et il n’y a rien de scandaleux à s’y rendre uniquement dans ce but. C’est exactement la même chose à la frontière espagnole, les frontaliers se rendent en Espagne pour faire leur plein d’essence et acheter des cigarettes.
Je ne connais pas bien la situation des Alsaciens et la place qu’occupe par exemple l’apprentissage de l’allemand en Alsace. Je ne sais pas vraiment si il y a une désaffection de l’allemand comme dans le reste de la France, cela pourrait expliquer le faible intérêt pour les sites touristiques (par exemple le Palatinat ressemble beaucoup à l’Alsace?) ou l’offre culturelle ( encore faut-il parler allemand).

C’est exact, le Palatinat ressemble beaucoup à l’Alsace du nord, en fait c’est pratiquement le même dialecte, et une partie du Palatinat faisait même partie de l’Alsace jusqu’en 1815 (Landau). Le gros problème, c’est d’une part qu’on y parle allemand (tiens donc? :mrgreen: ), ce qui handicape la jeune génération dégermanisée, et d’autre part, qu’il n’y a pas de grands centres immédiatement à la frontière. Et l’autoroute s’interrompt directement à la frontière. Donc circulez, y a rien à voir, et il faut pousser jusqu’à Karlsruhe (à moins de motifs touristiques, la route du Vin par exemple, en passant la frontière à Wissembourg. Mais là, on est déjà dans le cadre de l’Alsace bossue).
En général, les centres commerciaux sont directement au débouché des ponts sur le Rhin (Kehl principalement pour l’agglo strasbourgeoise, Baden-Baden, Rheinau, Breisach, Weil).

ben faire du shopping en Allemagne, c’est une idée sympa pour entrainer son allemand. à condition de ne pas se cantonner au Lidl et autres Aldi (qui soit dit en passant proposent des choses de meilleure qualité qu’en France) et de papotter avec la libraire ou autres petits commerçants (s’éloigner de la frontière pour ne pas tomber systématiquement sur des … français).

Andergassen : la « degermanisation » est la conséquence directe d’avoir voulu gommer le français à certaines périodes. donc phénomène de rejet conscient ou … inconscient. l’alsacien ce n’est pas de l’allemand (tiens il n’y en a pas qui ont essayé de dire que le ladin c’était un dialecte italien ? :blush: :smiley: )

pour ce qui est de la situation de l’emploi dans le Palatinat, il faut se mettre au goût du jour. C’est plutôt les allemands qui viennent désormais du côté français, même s’ils ne connaissent pas un mot de français (j’ai servi d’interprète à plusieurs personnes dans ce cas et qui n’arrivaient pas à se dépatouiller avec l’administration). Et le Nord de l’Alsace est certainement une des régions où le patois est encore le plus vivace.

Désolé de te contredire, mais si l’alsacien n’est pas du Hochdeutsch, et là je suis d’accord avec toi, c’est quand même, linguistiquement parlant, un dialecte allemand, qui, de par la séparation d’avec l’Allemagne depuis le rattachement à la France sous Louis XIV, s’est de plus en plus éloigné des autres dialectes allemands, avec l’introduction de nombreux gallicismes. Pour en faire l’expérience dans mon entourage, il y a intercompréhension entre les dialectophones et les allemands, même si parfois, il peut y avoir un mot , une expression qui gène.
:wink:

ah mais je n’ai jamais dit que cela ne venait pas du francique ou de l’alémanique selon les dialectes.
j’ai juste dit que ce n’était pas de l’allemand. ceci dit je comprends néanmoins l’alsacien grâce à l’allemand. comme quoi…
mais je lis aussi d’autres langues grâce à leurs racines communes avec les langues que je connais.
en fait les langues c’est une gigantesque mosaïque.
va dire à un catalan que sa langue c’est de l’espagnol. pourtant avec l’espagnol et le français on comprend très bien la catalan.

je vais vous mettre d´accord tous les deux,L´Alsacien est un dialecte GERMANIQUE.

jean luc :wink:

Quand Lalilou écrit allemand, il faut lire haut-allemand et ses messages sont tout de suite moins énervants sur ce point technique de dialectologie. :smiley: Je veux dire par là que cela évite le malentendu, car fondamentalement, on est tous d’accord sur le fond.
Par contre, le ladin, tu laisses tomber… c’est vraiment autre chose, donc on ne compare pas le rapport alsacien/haut-allemand et ladin/italien, merci. :wink:

Vous ne savez pas forcément que je suis un grand amateur de langue romanche, donc je porte les couleurs des langues rhéto-romanes sans faiblesse !

Faits linguistiques:

  1. alsacien est un abus de language en linguistique, il faut distinguer au moins trois domaines, et le Sundgau est de toute facon à part. Mais ce terme correspond à une identité culturelle réelle et est donc par ailleurs parfaitement justifiable.
  2. la distinction badois/alsacien (dans leurs deux version principales nord et sud) est linguistiquement douteuse. Le Rhin n’est pas une frontière linguistique au sens historico-dialectal.
  3. l’influence du francais dans le vocabulaire est plus forte à l’ouest du rhin, historiquement et aussi en pratique, mais cela ne fait pas une frontière dialectale typologique.
  4. le bâlois est à rapprocher du groupe sundgau/südbadisch dans un rapport ambigu avec le bas-alémanique comme avec le haut-alémanique.
  5. la totalité du domaine germanophone est dialectophone, le hochdeutsch n’ayant supplanté ceux-ci que dans une région relativement minoritaire du nord (et encore, le bas-allemand et les formes créolés ne sont pas encore totalement mortes). En cela, l’Alsace dialectophone est le cas normal d’une région de la germanophonie.

le hochdeutsch « expression écrite de l’alsacien » ou de « l’allemand d’Alsace », cela me choque, même si on essaye de vouloir le dire.
alors pourquoi il y a des tintin et milou en alsacien ? alors qu’il existe leur version en allemand ?
c’est bien parcequ’on a essayé de donner un cadre écrit à l’alsacien, même si celui-ci n’est unifié philologiquement (il y en a d’ailleurs tellement de variantes à l’intérieur d’une même entité languistique).

je suis d’accord que le ladin, le rumantsch grischun, le frioulan ne sont pas des dialectes italiens (mais c’est autant politique que linguistique :mrgreen: ), mais reste que les racines sont tout de même plus romanes qu’autre chose et que pour un locuteur des langues romanes à l’écrit c’est tout de même relativement facilement accessible (je ne parle pas de la manière dont ces langues sont parlées, c’est à peu près incompréhensible, encore pire que les schwyzerdutsch et c’est dire !!! :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen:, à cause de l’accent, sauf rares exceptions (que je subodore être des italiens ayant appris le ladin en langue étrangère, si si cela doit arriver, même si je n’en ai pas la preuve par A+B).

comme je ne sais pas si tu parles le sursilvan, le sutsilvan, le surmiran, le puter et le vallader, je m’abstiendrais de frimer en mettant une formule de salutation dans quelconque subdivision du romanche.

D’accord avec Elie, on peut evidemment parler (politiquement) d’ un Alsacien au même titre qu’on parle d’un Schweizerdeutsch.

Mais le fait que quelques rares livres existent dans cet « idiome » (quelle variante - francique, bas alémanique, haut alémanique? Quelle orthographe?) ne veut rien dire au niveau linguistique… d’autant moins que le même phénomème se repète outre rhin, sans que pour autant quelqu’un prétende que de publier des Asterix en dialecte transformerait ces dialectes en langues… ehapa-comic-collection.de/sh … p/coID/328

un vrai alsacien parlera des « français » (même s’il te cause en français) et des « schwoves » (souabes) auxquels il ne s’identifie pas plus (ce qui ne l’empêche pas de traverser la frontière pour aller faire ses courses chez Aldi ou Edeka).
ceci dit c’est plus culturel que politique.

Oui, je suis bien conscient de la complexité de la « condition alsacienne » avec sa position linguistique, geographique particulière et son passé particulièrement douloureux. Et je suis bien conscient aussi du fait que dans ce contexte, le parler historique n’est plus « neutre ».

J’avais essayé d’exprimer des faits linguistsiques « au delà » de ce contexte particulier.

Mais je te l’accorde, mon regard n’est pas « neutre » non plus, dans le sens que je suis un adepte du « decloisonnement ». ça concerne d’abord mes propres compatriotes, qui eux, parlent des dialectes allemands - à savoir: haut-alémanique et alémanique supérieur - sans jamais en prendre la mesure. Comme toi, qui revendiques un « Alsacien », ils revendiquent un « Schwyzerdütsch » propre à eux qui est même au centre de leur/notre identité culturelle (nationale :open_mouth: ) et sert comme critère de differenciation entre « nous » et les « autres », à savoir « des Allemands ». Sans se rendre compte, que les gens de l’autre coté de la frontière sont des alémaniques eux aussi et parl(aie)ent à la base le même dialecte.

Et puisque ça vaut pour la frontière avec l’Allemagne mais aussi avec celle de la France, voici mon deuxième constat. Je me balade en Alsace, conscient du fait que les gens devraient parler la même langue - ma langue maternelle - et je me rends compte, ça a beau être la même region, (presque) plus personne ne parle, ne veut parler cette/ma/leur langue commune. :cry: malgré la proximité géographique et historique et culturelle et économique etc, etc.

Pas de problème particulier pour mes séjours alsaciens vu le fait que je comprends le français. Mais au fond, je l’avoue, ce constat ne me laisse pas indifferent…

Excellent idée.
Cette nouvelle modestie te permettra d’étudier la linguistique historique des langues germaniques et romanes pour pouvoir reprendre la discussion dans quelques semaines. A bientôt et bonne lecture.

je n’ai nulle intension de préparer un master de philologie comparée des langues romanes et germaniques.
mais je crois qu’il ne faut pas sousestimer l’impact de l’évolution des langues au gré de l’histoire et des affects.

les luxembourgeois n’ont jamais voulu non plis admettre que le letzebuerger était une langue dérivée de l’allemand.
et comme l’a rappelé très justement Andergassen dans un autre post, c’est une langue qui comme l’alsacien fait de très larges parts au français dans le vocabulaire.
l’alsacien moderne parlé, qui n’a rien à voir avec celui d’il y a 40 ans est vraiment une langue … « alémaromane » !!! :wink:

Oui, l’alsacien se créolise. Le mot est un peu fort, je l’admets. Mais comme je regarde souvent les parties du 19/20 de France 3 Alsace en dialecte, j’ai remarqué certaines choses aussi. :smiley:

Si les Alsaciens avaient voulu faire une norme écrite unifiée et que cette langue écrite était devenue une langue de communication exclusive dans certains milieux, alors on aurait pu dire que la langue alsacienne était née, comme les Néerlandais se sont différenciés du bas allemand, les Luxembourgeois de l’Allemand et les Norvégiens du danois. La partie strictement linguistique et technique a été faite, mais c’est resté dans les cartons. La place était déjà prise par le francais. Les Suisses n’ont pas suivi cette voie, ils ont fait comme le reste de l’aire germanophone et oppère avec une diglossie assez poussée. L’Alsace dialectophone est de facto aussi une terre de diglossie où le dialecte et l’allemand ne se touchent pas vraiment dans la vraie vie mais ne peuvent pas non plus vivre l’un sans l’autre. Il n’y a pas de mouvement de masse suffisamment clair pour que l’une ou l’autre voie ne s’impose… c’est donc le francais qui progresse.

J’ai tendance à dire qu’en Alsace, les bilingues restent encore bilingues, mais ce qui ne le sont pas ne le deviennent pas. Certaines gens, assez nombreux grace à l’allongement de l’espérence de vie, ont donc un héritage bilingue, mais ce n’est plus une terre de bilinguisme germano-roman. La frontière de la république est complètement intégrée dans l’esprit des Alsaciens, dialectophones ou pas, c’est donc que ceux d’en face sont étrangers. Et dans la vie quotidienne, personne ne va chercher plus loin.

c’est encore plus complexe que cela !

oui les alsaciens sont bien intégrés à la France, cependant ils n’y a qu’eux pour dire « les français » en parlant de ceux qui viennent de l’intérieur.
attachés à leur particularisme régional.
phénomène nouveau, l’alsacien semble revenir comme phénomène bobo.

C’est ce que je répète depuis le début et qui t’a énervé tant que ça : les Alsaciens ont intégré les deux frontières.

  • frontière culturelle (ils sont Germains, le mot pour le dire varie souvent, mais c’est volontier alémanique pour éviter le mot allemand - donc ils sont Germans face aux Français)
  • frontière nationale (ils sont Français face aux Allemands)

et entre les deux, ils ne se posent pas vraiment la question de l’appartenance linguistique. Le rejet des deux pays sur deux plans différents fait que pour les langues, la seule division qui compte vraiment est celle de l’intimité : le dialecte (socle culturel germanique assumé) est de l’ordre de la vie privée et le français pour le reste. Sauf qu’avec une telle méthode, le dialecte et donc l’héritage linguistique les liant à l’Allemagne se déteriore. Il ne faut pas oublier que bien des Alsaciens d’autjourd’hui descendent de familles venues de la France de l’intérieur après la guerre… le régionalisme est schizophrène : on peut être Alsacien venu de France sans aucun lien avec la germanité culturelle de la région. Ceci empêche les Alsaciens germains de généraliser la germanitude comme base identitaire régionale générale. En clair, ils se sont fait romaniser et ils sont une minorité complètement phagocité. Ils vont disparaitre, je ne leur donne pas trente ans s’ils ne s’organisent pas en militants actifs et radicaux de leur langue et de leur germanité. Moi, je regarde, ce n’est pas à moi de dècider ce qu’ils doivent faire.

je suis d´accord avec toi,mais comme tu parle de militant actif, et radicaux, je vois bien apparaître une extrême droite alsacienne,comme le vlamblock en Belgique, qui sous le couvert de la défense de la langue, et de la culture fait du racisme au quotidien,anti francophone. Je tien á rappeler qu´ils y avaient des autonomistes alsaciens , il a y pas si longtemps, et qu´ils étaient dans cette optique là, tu avoueras que le chemin sur ce plan là est étroit entre demogracie et fachisme.

jean luc :wink:

Un texte interessant de Pierre Kretz, écrivain dialectophone né à Sélestat sur :« la langue perdue des Alsaciens. »
Un constat pas très réjouissant. :frowning:

http://www.koechlin.net/bk/bk43_025.htm
:wink: