Bonsoir jeunes gens,
Kissou33 écrivait plus haut que pour aimer, il faut savoir detester. C’est encore plus marrant quand on voit s’aimer des gens qui se sont combattus .
On pourrait écrire : fastoche d’être germanophile avec des francophiles .(ou germanophobe avec des francophobes, c’est kif-kif.)
Histoire vécue.
Exposé des motifs. En 1966 , les jeunes Français qui faisaient leur service militaire se voyaient remettre unr décoration régimentaire nommée « Fourragère » . Cette remise de Fourragère se traduisait par une cérémonie qui cloturait une marche de 130 km en 3 jours. Pour bien marquer la chose, les associations d’anciens combattants de 14-18 étaient invités et tout le monde était content…
Mise en place du dispositif .
Ca caillait dur en ce dimanche de janvier 1966 . Il avait bien neigé, nos jeunes avaient bien marché et étaient à 4 heures de rentrer au quartier (la caserne) Après une séance de strip-tease dans les camions, ils arrivent , tous de bleu vêtus . Superbes!!!
Ha oui, ça se passait en Alsace, sur une crête nommé « Hartmannswillerkopf » ou « Vieil Armand » en français. En 14-18, les Français et les Allemands s’échangeaient des insultes, des grenades; les tranchées changeaient de propriétaires régulièrement. Une boucherie atroce. A 956 metres d’altitude, bien battue par le vent la place d’armes où devait se dérouler la cérémonie avait tout d’un frigo à ciel ouvert .
Imaginez un rectangle de 250m sur 100 (en gros, hein?) sur un plus grand coté, les jeunes prets à recevoir la Fourragere (ca fait en gros 150 bidasses) . En face d’eux, les officiels, des invités (parents et amis) , les associations d’anciens combattants (une soixantaine de survivants) . Sur un des petits coté, la fanfare qui assure la sono.
Vous avez remarqué ? il ya un coté de libre. Et c’est là qu’on voit que la Nature a horreur du vide . A 5 minutes du top départ, on voit débouler 3 cars immatriculés en Allemagne.
Mon Colonel me saute dessus et me dit : " S. , allez voir ce que c’est !!" 2 minutes apres, je reviens au pas de course et lui explique : « Ce sont des anciens combattants Allemands qui ont planifié une cérémonie » . C’est là qu’on voit que les vrais chefs ne sont jamais pris au dépourvu .
- Très bien dit-il, mettez les en rang sur le 4° coté et dites leur de faire comme nous.
Brève explication aux anciens combattants allemands, la cérémonie démarre, tout baigne !!! Un aboiement qui veut dire " garde à vous" , on se joue la Marseillaise et deux trucs patriotiques. Les anciens combattants français sortent des rangs, traversent la place et remettent les Fourragères, c’est l’affaire de 15 minutes car ça caille toujours. Retour dans les rangs et la fanfare attaque une marche entrainante pour le défilé . Et là, surprise!!
On voit bien partir nos jeunes pour le défilé, mais suivis dans la foulée par les anciens combattants allemands ce qui n’était pas prévu . Par mimétisme, nos anciens combattants leur emboitent le pas, pas prévu non plus.
Superbe défilé, sauf qu’on n’avait pas donné les limites au « faites comme nous » . Mais comme c’était l’époque ou De Gaulle et Adenauer se tapaient dans le dos, nous étions dans l’air du temps. Après le défilé, on a bu un coup . Nous avions nos boissons et les Allemands ont tenu à partager les leurs. J’ai vu des couples se former : un Français, un Allemand aller voir le mémorial, echanger des souvenirs, des anciens qui y allaient de leur larme. Nos jeunes ont été dépouillés de leurs insignes piqués comme souvenirs; les anciens leur ont payé à boire .
Mon colon qui passait par là me dit : Super, le défilé . A quoi pensez vous ?
Je lui ai répondu « Im Krieg sind alle Väter Soldat ! »
Il m’a répondu : Ha bon ?
Jamais je n’ai vu autant de tendresse dans les yeux de gars qui s’était tirés dessus 50 ans plus tôt. Et puis on est rentré. Ca caillait toujours, mais on avait un peu plus chaud au coeur.
Cordial-gentiment
bernard